Nathalie Becquart: «Ce synode pourrait être un moteur de la réforme de l'Eglise»

«La vision de l’Eglise dessinée par les jeunes rejoint celle du pape François, selon Nathalie Becquart. Une Eglise plus attractive et moins cléricale», affirme la religieuse xavière, auditrice au synode et ancienne directrice du service national pour l’évangélisation des jeunes et les vocations de la Conférence des évêques de France (2012-2018).

Quels sont, selon vous, les principaux enjeux du synode?
Nathalie Becquart:
J’en vois deux, qui sont liés. Le premier: la communion. Dans un contexte ecclésial de grande pluralité, où il peut y avoir des tensions voire des divisions, le synode doit permettre de trouver des chemins d’écoute et de compréhension mutuelle pour la mission – second enjeu majeur, selon moi. In fine, les fruits du synode sont pour le monde et pour les jeunes, en premier lieu les plus éloignés, les plus en difficulté. Il s’agit, pour l’Eglise, d’aller toujours plus loin dans ce «prendre soin des jeunes» tout en leur permettant de s’engager pour davantage de justice, de paix et de fraternité.

«Il y a une grande fécondité à faire confiance aux jeunes.»

35 jeunes participent comme auditeurs au synode. Sur une assemblée de plus de 400 personnes, dont principalement des évêques. C’est peu, non?
Il s’agit d’un synode des évêques, une institution au service du ministère pétrinien, initié par Paul VI dans la suite du Concile. Il y a, de fait, une majorité d’évêques. Mais ils ne réfléchissent pas en vase clos. Le fait qu’il y ait 35 jeunes parmi les auditeurs est emblématique. Ils disposeront du même temps de parole que les évêques en plénière. Ils seront présents dans les groupes de discussions. Avant le synode, les jeunes ont pu s’exprimer via un questionnaire en ligne – une première – mais aussi à l’occasion du pré-synode, qui s’est tenu en mars dernier à Rome. Ils ont produit un document très intéressant, qui est une source majeure de l’instrument de travail. L’écoute de l’Esprit Saint à travers la parole des jeunes reste la visée principale du synode.

Ce synode se déroule dans un contexte marqué par le scandale des abus sexuels. En quoi cette réunion d’évêques pourrait-elle contribuer à la réforme de l’Eglise?
Les jeunes ont été très clairs sur les abus sexuels. [Dans le document final du pré-synode, ils appellent l’Eglise à «renforcer sa position de tolérance zéro», ndlr]. Ce synode pourra être un moteur et même un accélérateur de la réforme car la vision de l’Eglise dessinée par les jeunes rejoint celle du pape François. Ils souhaitent une Eglise plus attractive qui va dans le sens d’une décléricalisation où tous les baptisés sont appelés à marcher ensemble, hommes femmes, jeunes et vieux, clercs et laïcs.

Aux JMJ de Rio (2013), le pape leur demandait de mettre la «pagaille» dans leur diocèse. Quelle forme cela pourrait prendre concrètement dans l’Eglise?
Dans le monde actuel, les jeunes sont créatifs, innovent, inventent. Ils ont des pratiques beaucoup plus collaboratives, horizontales. Quand ils arrivent dans des lieux bien structurés comme peuvent l’être une paroisse ou un diocèse, cela crée forcément quelques étincelles. Mais il y a une grande fécondité à leur faire confiance. Mon expérience me l’a montré. Aujourd’hui, il importe de ne pas trop insister sur la séparation entre l’Eglise enseignante – celle des prêtres et des évêques – et l’Eglise qui écoute, passive. Que tous soient acteurs, en particulier les jeunes. Ils ne sont pas des objets passifs de l’évangélisation, mais des sujets acteurs. Dans le contexte actuel, on ne peut pas penser la mission de manière strictement verticale. Le document de travail du synode propose d’envisager la mission auprès des jeunes avec le maître-mot de l’accompagnement, à l’image du Christ à Emmaüs, qui marche avec ses disciples. (cath.ch/pp)

Pierre Pistoletti

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