«Nous changerons le monde…». Cet appel à l’espérance conclut l’ouvrage de 93 pages dessiné par Laurent Bidot et scénarisé par Arnaud Delalande, ave la collaboration d’Yvon Bertorello, publié par la maison d’édition parisienne Les Arènes. De cette vertu d’espérance, il est beaucoup question dans cette bd, puisqu’elle met particulièrement en lumière les nombreux obstacles que Jorge Bergoglio a dû surmonter avant et après son élection sur le trône de Pierre.
L’histoire est racontée du point de vue de Mgr Guillermo Karcher, secrétaire au protocole du Vatican depuis 1993. L’Argentin est un proche du pape François. La providence a voulu qu’il tende le micro au nouveau pontife pour son célèbre «Buona sera», le 13 mars 2013. Une partie des informations contenues dans l’ouvrage ont ainsi pour source une interview du cérémoniaire du Vatican, réalisée en mars 2015 par l’agence romaine I.MEDIA, dont cath.ch reprend régulièrement les dépêches.
La trame, non linéaire, entrecoupe des épisodes actuels du pontificat avec des flashbacks sur la jeunesse et la carrière cléricale de Jorge Mario Bergoglio. Le livre insiste sur les rapports tumultueux du futur pape avec le pouvoir argentin. Les passages concernant les menaces pesant sur les jésuites sous la dictature, alors que Jorge Bergoglio était provincial de l’ordre, sont particulièrement impressionnants. Ils éclairent le courage et le pragmatisme dont il a fait preuve pour protéger les membres de la Compagnie de Jésus, face à la cruauté et à la sauvagerie sans scrupules du régime militaire. La bd explique également clairement les racines de son engagement pour les pauvres, alors qu’il a été le premier évêque à arpenter les favelas de Buenos Aires.
Dans la seconde partie de l’album, la description des dessous de l’élection du cardinal Bergoglio est également intéressante. Elle fait apparaître que la curie romaine a été au centre des enjeux. La majorité des prélats électeurs cherchaient, selon cette thèse, une personnalité capable de mener à bien sa réforme. Le discours de l’archevêque de Buenos Aires devant ses pairs sur la nécessité d’une Eglise qui «sorte d’elle-même» aurait donc fait mouche.
La bd met en général en évidence que le pape François, des favelas argentines aux couloirs du Vatican, a toujours été un homme de terrain, qui s’est pleinement confronté, loin du confort de l’Eglise «mondaine», aux réalités humaines. Fort de cette expérience de vie, Jorge Bergoglio est ainsi perçu par l’ouvrage comme l’homme providentiel, capable de mener l’Eglise et le monde dans une nouvelle ère.
«François» donne donc un éclairage instructif et souvent émouvant sur le destin du premier pontife non européen de l’ère moderne. L’histoire est bien construite et fait revivre avec réalisme le parcours de Jorge Mario Bergoglio.
Quelques imperfections viennent toutefois assombrir l’ensemble. Le dessin est certes efficace et bien maîtrisé mais inégal. L’on ressent qu’un soin différent a été donné à certaines cases.
Le scénario rend (sans doute légitimement) un hommage poussé au pape François. Mais, sans réellement parler «d’hagiographie», il semble que les auteurs tournent systématiquement les éléments en sa faveur et évitent d’aborder certains points problématiques. A noter que la bande dessinée est publiée par Les Arènes, un éditeur non confessionnel. La page de couverture pose également question. Alors que l’ouvrage décrit un François dynamique, positif et représentant l’espoir de l’Eglise, l’image le montre baissant les yeux, avec l’air sombre et affligé. La première impression contredit ainsi, de façon assez malheureuse, le contenu et le message de l’album. Le signe que, autant dans le pontificat raconté que dans le pontificat réel de François, quelque chose doit être fignolé? (cath.ch/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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