L’hommage national à une personnalité décédée est très rare au Sénégal. Depuis l’indépendance du pays en 1960, seuls Lamine Guèye, président de l’assemblée nationale décédé en fonction, et Léopold Sédar Senghor, premier président du pays, ont eu droit à un hommage national. Ce fut respectivement en juin 1968 et décembre 2001.
Contrairement aux obsèques nationales, qui ne s’inscrivent pas dans un cadre officiel précis, l’hommage national est une cérémonie officielle destinée aux militaires morts pour la patrie. Seules les personnalités civiles, au destin exceptionnel, comme Bruno Diatta, peuvent en bénéficier. La décision est prise par le chef de l’Etat et mobilise toutes les institutions de la république.
Bruno Diatta a exercé son mandat de chef du protocole sous les présidences successives de Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et Macky Sall. Originaire de Casamance, dans le sud du pays, par son père, et de Saint-Louis, au nord, par sa mère.
Il est décédé des suites d’une courte maladie, peu après avoir accompagné le président Macky Sall à l’aéroport pour un voyage au Mali. Aussitôt informé, le président Sall a rebroussé chemin, annulant ainsi son vol pour assister à la prestation de serment de son homologue du Mali, Ibrahim Boubacar Keita, réélu en août dernier, pour un nouveau mandat de 5 ans.
Les hommes politiques du pouvoir et de l’opposition, les chefs religieux musulmans et catholiques, ainsi que les citoyens ordinaires ont été unanimes à reconnaitre que «toute la nation se reconnaissait en Bruno Diatta. Il était la synthèse du Sénégal».
Des centaines de personnalités du Sénégal et de l’étranger ont assisté à l’hommage national, sous de grandes tentes dressé à l’entrée du domicile présidentiel. La cathédrale du souvenir Africain de Dakar a aussi affiché complet.
«Catholique de confession, Bruno s’en est allé un vendredi, jour saint des musulmans»
«La nation est frappée au cœur, parce que Bruno Diatta symbolisait si bien ce qui nous unit et qui nous rassemble, par-delà nos différences et nos diversités», a souligné le président Macky Sall, dans son oraison funèbre. «Et cette cérémonie d’hommage national à sa mémoire est une terrible ironie du sort, parce que un cérémonial de cette nature est son domaine réservé. C’est lui qui en était l’ordonnateur et le maître par excellence», a-t-il ajouté, avant de poursuivre: «chrétien (catholique) de confession, Bruno s’en est allé un vendredi, jour saint des musulmans. C’est tout un symbole, comme pour rappeler, dans un ultime message protocolaire, son attachement indéfectible à l’harmonie sociale qui nous relie les uns aux autres sous l’ombre apaisante de la nation sénégalaise».
Pour le président sénégalais, Bruno Diatta laisse au pays le sentiment du devoir accompli, le civisme, le don de soi, l’humilité, le respect de l’autre et du bien commun. (cath.ch/ibc/gr)
Hommage télévisé d’un prêcheur musulman
La veille de son décès, un prêcheur musulman de la télévision privée sénégalaise «Sentv», lui a rendu un hommage prémonitoire, largement diffusé sur les réseaux sociaux. «Il n’y a pas mieux éduqué que les chrétiens. Ils ne font du tort à personne. Je prends exemple sur Bruno Diatta. Chaque président en fonction l’a maintenu à son poste. Il ne s’en est jamais vanté. Il n’est jamais mêlé à quelque affaire que ce soit. Personne ne l’a jamais cité dans une discussion. Personne ne l’a entendu ou aperçu dans au évènement ou programme particulier hors du cadre officiel. Il ne s’occupe que de son protocole, avec les faits et gestes qui s’y rapportent. Et cela, du président Senghor au président Sall. Depuis plus de 40 ans, toutes les personnalités étrangères, musulmanes ou non, reçues par les présidents du Sénégal, ont été conduites par Bruno Diatta avec la même courtoisie et le même respect. Calme, courtois et républicain, il assure avec humilité ses fonctions. C’est comme ça que Jésus a été éduqué», a déclaré Iran Ndao, dans son émission. IBC
Grégory Roth
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