Deux initiatives nous sont soumises en ce mois de septembre et touchent toutes les deux au contenu de notre assiette. Elles proposent une démarche assez différente. Celle des Verts vise la qualité des produits indigènes et importés et leur impact sur l’environnement. Celle d’Uniterre veut changer le modèle de la politique agricole suisse et, dans ce but, restreindre au maximum les importations pour favoriser la production indigène. Son objectif est donc bien plus vaste que celui de l’initiative des Verts. Les deux initiatives sont rejetées par les partis bourgeois qui s’en tiennent à un modèle de libre-échange agricole intégral.
Nous avons déjà souligné ici que cette dernière vision n’est pas tenable pour des raisons économiques et écologiques. La viabilité des moyennes exploitations en Suisse n’y survivrait pas et nous serions condamnés à acheter très loin des produits dont les conditions de production ne seraient pas durables. Notre responsabilité de consommateurs pour la planète, énoncée à maintes reprises par notre pape dans Laudato Si’, est en jeu. Il est temps d’agir.
La Suisse ne peut subvenir seule à son alimentation. Elle importe plus de la moitié des fruits et des légumes qu’elle consomme, essentiellement des pays européens limitrophes. Ses importations sont également importantes en matière de produits tropicaux et de produits de la mer. Elle est par contre pratiquement autosuffisante en matière de produits animaux. Mais sur la dernière période, les importations ont beaucoup augmenté et la Suisse est aujourd’hui sous la menace d’accords de libre-échange agricole avec le continent américain qui cherche à écouler ses excédents, et dont les règles de production sont beaucoup plus laxistes que les nôtres.
«Les frontières ne protègent plus contre l’appétit de grands groupes agroalimentaires»
Il est donc urgent de légiférer d’une part pour parer à cette menace, d’autre part pour lutter contre un certain nombre de dérives que connaissent les productions animales et végétales dans des pays européens où la législation est moins sévère qu’en Suisse. C’est ce que propose l’initiative des Verts en demandant que la Confédération encourage la production locale et renforce ses normes sur l’offre de produits indigènes. Elle propose également de soumettre les produits étrangers à ces règles en utilisant l’arme des taxes à l’importation ou celle des contingents. Enfin, elle propose que la Confédération conclue des conventions d’objectifs contraignantes avec les grands distributeurs (Coop, Migros, Denner, Lidl, Aldi) pour le respect de ces normes.
Par ce texte, Les Verts veulent renforcer une production alimentaire indigène de qualité avec des conditions de travail décentes. Ils veulent éviter des importations sauvages de produits ne respectant pas des conditions de production durables. Leurs opposants invoquent une éventuelle augmentation des prix et la restriction de la liberté de choix. Ils n’ont pas compris que le monde avait changé. Sans réglementation adéquate, les frontières ne protègent plus contre l’appétit de grands groupes agroalimentaires qui n’ont qu’un seul objectif, étendre leurs marchés, et négligent malheureusement les conséquences à moyen terme de leurs pratiques sur la santé des personnes et l’environnement. Les chimistes cantonaux dont c’est une des missions, ne peuvent protéger la santé des consommateurs que si la loi le leur permet.
Jean-Jacques Friboulet
4 septembre 2018
Portail catholique suisse
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