L’œuvre d’entraide déplore que le Conseil fédéral ait l’intention de renoncer à s’engager face à la réalité de la pauvreté en Suisse, qui touche plus de 600’000 personnes, 600’000 autres vivant dans des conditions précaires juste au-dessus du seuil de pauvreté. Malgré une situation économique excellente et un taux de chômage historiquement bas, le taux de pauvreté augmente, notamment chez les enfants, a dénoncé Caritas Suisse le 27 août 2018 au cours d’une conférence de presse à Berne
Le Programme national de prévention et de lutte contre la pauvreté s’achève fin 2018. Dans ses conclusions, il relève l’urgence et la nécessité d’agir. «Et pourtant, le Conseil fédéral veut renoncer à mener activement une politique de lutte contre la pauvreté (…) Il continue de penser que la pauvreté en Suisse doit être combattue par l’aide sociale et que c’est donc l’affaire des cantons et des communes».
Pour Caritas Suisse, «ce point de vue doit être corrigé d’urgence. L’aide sociale ne peut répondre aux problèmes structurels. La politique de lutte contre la pauvreté doit prévenir la pauvreté, elle doit investir spécifiquement dans la formation, la politique de l’enfance et de la famille, et dans le marché du logement». Caritas va s’exprimer fortement dans ce sens lors de la prochaine Conférence nationale de lutte contre la pauvreté qui aura lieu le 7 septembre 2018.
Dans sa prise de position «Pour une lutte efficace contre la pauvreté en Suisse», présentée le 27 août, Caritas demande entre autres des mesures en matière de formation et de politique familiale. La Confédération doit enfin assumer son rôle de leader dans ces domaines.
Ce n’est que récemment «et après beaucoup de pression» que la Confédération s’est impliquée dans la politique de lutte contre la pauvreté. Elle a lancé en 2014 le «Programme national de prévention et de lutte contre la pauvreté», mis en œuvre en collaboration avec les cantons, les villes, les communes et les organisations privées.
Au printemps 2018, le Conseil fédéral a publié un rapport contenant les résultats. Selon ce rapport, il est urgent d’agir. «Il est donc incompréhensible qu’il ait décidé dans le même temps de renoncer à un monitorage régulier de la pauvreté. Celui-ci permettrait d’étudier et de suivre systématiquement l’évolution de la situation de la pauvreté dans toute la Suisse», insiste Caritas Suisse.
Plus de 600’00 pauvres en Suisse et… 500’000 francs de la Confédération
A l’avenir, l’engagement de la Confédération dans la politique de lutte contre la pauvreté s’élèvera à tout juste 500’000 francs. Hugo Fasel, directeur de Caritas, fulmine: «La Confédération se distancie de la politique de lutte contre la pauvreté et en confie l’unique responsabilité aux cantons. On peut dire que le Conseil fédéral refuse de prendre en compte les résultats du Programme national de lutte contre la pauvreté, qu’il croise les bras et se contentera d’observer de loin l’évolution de la pauvreté en Suisse. Politiquement, cette décision du Conseil fédéral est un retour à la case départ ! «
Dans sa prise de position, Caritas Suisse formule cinq étapes urgentes pour une politique efficace de lutte contre la pauvreté. Ainsi la Confédération, en accord avec les cantons, les communes et l’économie, doit se fixer pour but contraignant de réduire de moitié la pauvreté en Suisse. Cet engagement, formulé en 2009 déjà par Caritas, a été pris également par la Suisse qui a signé l’Agenda 2030 de développement durable. «Elle doit maintenant rapidement le mettre en œuvre !»
La Constitution fédérale garantit à toutes les personnes dans le besoin un soutien et une vie décente (art. 12). La Confédération, les cantons et les communes doivent maintenant remplir cette obligation. En dernier ressort, le minimum vital social doit être garanti par une loi-cadre fédérale.
Pour lutter efficacement contre la pauvreté des familles et des enfants, il est nécessaire d’introduire dans toute la Suisse des prestations complémentaires pour familles. Quelques cantons l’ont déjà fait, avec succès. La loi sur les allocations familiales sert également de base à des augmentations ciblées des allocations familiales.
La formation est un élément central, avant tout les mesures de formations de rattrapage et les formations continues. Une formation insuffisante ou inadaptée au marché du travail est la principale cause de chômage. Pour Caritas Suisse, «il faut investir dans la formation continue obligatoire, cet élément central de la prévention de la pauvreté. C’est ce que l’on attend de la Confédération !»
Sont également concernées les mesures qui permettent de concilier vie familiale et vie professionnelle. Les offres de prise en charge extrafamiliales des enfants doivent être gratuites pour les familles pauvres. Car ce sont justement ces familles qui ont besoin de ces offres, les deux parents devant travailler. (cath.ch/be)
Jacques Berset
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