Le président Idriss Déby Itno a tenté de les rassurer, en soulignant le caractère laïc de l’Etat tchadien. Les nouveaux membres du gouvernement et les hauts cadres de l’Etat doivent désormais prêter un serment écrit par des oulémas musulmans du Conseil supérieur des affaires islamiques et jurer d’être loyaux dans leur travail «au nom d’Allah le Tout-puissant».
Idriss Déby a assuré, samedi 11 août 2018, que tous les citoyens sont sur un pied d’égalité en droit et devoir, a rapporté Radio France Internationale (RFI). Depuis mai dernier, les chrétiens tchadiens vivent dans l’inquiétude et la frustration, du fait d’un passage de la nouvelle Constitution, en vigueur depuis début mai 2018.
Quelques jours après l’entrée en vigueur de cette nouvelle Constitution, une chrétienne protestante, Rosine Amane Djibergui, qui venait d’être nommée ministre de l’Aviation civile, a refusé de se soumettre à cet exercice pour des raisons religieuses. Elle a expliqué que la Bible interdisait de jurer. En lieu et place, elle a proposé de signer un engagement de loyauté.
Cette solution a été rejetée par la Cour suprême qui recevait le serment individuel de chaque membre du gouvernement. Du coup, Rosine Amane a été démise immédiatement de ses fonctions par le président Déby. Un militaire, le général Mahamat Taher Rozi, qui assistait à la cérémonie, a été nommé à sa place, et a prêté serment aussitôt.
Avant elle, une autre chrétienne, nouvelle membre et porte-parole du gouvernement, Madeleine Alingué, a dû modifier légèrement le libellé de son serment, en remplaçant le mot Allah par Dieu. Cette prestation n’a pu être acceptée que sur intervention du chef de l’Etat.
Fin juillet, cinq hauts fonctionnaires de l’Inspection générale d’Etat, chargés du contrôle de l’utilisation des fonds publics, ont été limogés pour avoir refusé de jurer sur la base du serment confessionnel, invoquant leur foi chrétienne.
Face à tous ces incidents à caractère religieux, des leaders chrétiens sont montés au créneau le 28 juillet pour exprimer de vive voix les inquiétudes et la frustration de leurs coreligionnaires. Ils ont dénoncé la formule de prestation de serment, «contraire au caractère laïc de l’Etat du Tchad», puisqu’elle exclut les chrétiens qui refusent de jurer «au nom d’Allah le Tout-puissant».
Profitant de la célébration de la Fête nationale, le 11 août, le président Déby s’est défendu d’exclure les chrétiens de la vie nationale. «Je n’ai absolument rien inventé. C’est la volonté du peuple», a-t-il lâché lors d’une conférence de presse, pour répondre aux contestations des chrétiens concernant le serment confessionnel de la nouvelle Constitution, adopté par référendum en mai.
Selon lui, «ce ne sont pas tous les Tchadiens qui sont concernés, mais juste ceux qui sont appelés à de hautes responsabilités. En tant que premier responsable du pays, je me dois d’appliquer la décision de la majorité», a-t-il fait remarquer.
La prestation de serment, a-t-il justifié, permet de ne pas accepter les détournements de fonds publics, mais aussi de lutter contre la corruption. Ces deux fléaux sociaux pourrissent la fonction publique, a-t-il souligné. (Cath.ch/ibc/rfi/be)
Jacques Berset
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