La coupole de l’église orthodoxe russe de Vevey est enchâssée dans les échafaudages depuis fin juin. A l’abri des regards, une équipe de spécialistes s’affairent sur le sommet de l’église. Délicatement, ils gomment les aspérités, passent l’éponge, poncent le cuivre au papier de verre pour lisser le bulbe de l’église que surmonte la croix. Ce travail de préparation achevé, les artisans pourront appliquer les feuilles d’or et redonner ainsi tout son éclat au sommet de l’église.
En tout 9’000 feuilles d’or carrées de 0,2 microns d’épaisseur et se chevauchant légèrement recouvriront la coupole et la croix. «Il ne s’agit pas d’en jeter plein la vue, précise d’emblée le protodiacre Michel Vernaz, responsable du lieu. La coupole recouverte d’or symbolise en effet une flamme qui monte vers les cieux en illuminant le monde». Une flamme «qui s’étire vers Dieu». «L’or est également très présent dans le culte orthodoxe, notamment sur les icônes. Il y symbolise l’intemporalité, l’éternité de Dieu».
Certains paroissiens s’étaient émus du projet et craignaient un coût démesuré. Les feuilles du précieux métal ont coûté 20’000 francs, «soit le prix d’une petite voiture, plaide Michel Vernaz. La dernière restauration remonte à 40 ans. On ne pouvait plus attendre au risque de faire face à des travaux encore plus importants». Le prêtre se faufile dans l’entrelacs des poutrelles métalliques et va saluer chacun des ouvriers penché sur la coupole. La forte chaleur et l’absence d’air qui plombent l’après-midi rendent le travail pénible.
«Le choix de l’or est aussi pratique, selon Michel Muttner, le restaurateur d’art qui coordonne le chantier. Ce métal est idéal puisqu’il résiste bien aux intempéries, il est prisé pour sa malléabilité, sa souplesse et sa ductibilité». Le restaurateur et le protodiacre ont opté pour le ›Liberty’, une teinte jaune chaleureuse qui rappelle le feu. Il fait d’ailleurs ›briller’ la flamme de la statue de la liberté. Une variété qui, en outre, résistera bien aux assauts du climat et du temps.
Le chantier doit être achevé au plus tard au début du mois d’octobre. La coupole de l’église Sainte-Barbara brillera à nouveau de plein feux à l’occasion de la célébration des 140 ans de la consécration de la première église orthodoxe érigée dans le canton de Vaud. C’était le 13 octobre 1878. L’anniversaire sera fêté en grande pompe, «un chœur moscovite fera même le déplacement pour l’occasion», se réjouit le protodiacre.
L’édification de l’église Sainte-Barbara s’intègre dans l’histoire de la présence russe sur la Riviera vaudoise dans la 2e moitié du XIXe siècle. De nombreux Russes, aristocrates, étudiants, révolutionnaires séjournaient en effet au bord du Léman. Le développement du tourisme sur la Riviéra attirait une clientèle aisée. Le comte Chouvalov a voulu cette église. Il souhaitait en effet que sa fille, morte en couche avec sa fille nouveau-née, soit enterrée en terre orthodoxe près d’une église.
L’aristocrate russe a donc demandé l’autorisation de bâtir une église et s’est engagé à financer sa construction. Les conditions préalables à l’édification du lieu de culte étant remplies, le chantier a débuté en 1873 et s’est achevé en 1878. L’église devait canoniquement dépendre de celle de Genève (datant de 1866), le comte devait acquérir le terrain au nom de l’Eglise orthodoxe et assurer une rente pour l’entretien de l’édifice. L’église constitue un exemple architectural typique du style religieux traditionnel russe.
Le protodiacre fait volontiers visiter l’église. Il a plaisir à en raconter l’histoire. L’extérieur du bâtiment a été régulièrement entretenu. La luminosité des murs extérieurs contraste singulièrement avec les fresques, noircies par l’encens, très utilisé dans le culte orthodoxe, et la suie produite par les bougies. Il finit par évoquer la nécessaire rénovation de l’intérieur de l’église. Le budget est nettement plus conséquent: environ 2 millions de francs seront nécessaires pour retrouver le faste de 1878. (cath.ch/bh)
Bernard Hallet
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