Si au cours de l’histoire 17 Français ont été papes, un seul a été secrétaire d’Etat: le cardinal Jean Villot (1905-1979). Il est d’ailleurs l’un des deux seuls non-Italiens à avoir été ›numéro 2’ du Vatican, avec le cardinal espagnol Rafael Merry Del Val, au début du 20e siècle. Appelé en 1969 par Paul VI (1963-1978) pour le seconder, le cardinal Villot est «l’exemple du primat – encore vanté par les Français – du premier peuple chrétien», estime Don Pino Esposito, auteur d’un livre entièrement dédié aux secrétaires d’Etat paru en 2018 en italien.
Pour le cardinal Paul Poupard, biographe de son compatriote, le haut prélat français a été un «serviteur loyal et discret». Après Paul VI, le cardinal français sert l’éphémère Jean Paul Ier (1978) auprès de qui il vit «une expérience ecclésiale unique, d’affection et de confiance». Il va ensuite accompagner les premiers pas de Jean Paul II (1978-2005), mais décède en mars 1979. Le pontife affirme alors éprouver une très grande douleur pour le départ de l’homme qui était son plus proche collaborateur.
Outre le cardinal Villot, plusieurs Français ont marqué la Curie romaine par leur passage. Notamment le cardinal Paul Poupard, qui a effectué une des plus longues carrières au Vatican: il y est arrivé en 1959 comme simple prêtre pour travailler à la section française de la Secrétairerie d’Etat. Il est depuis resté à Rome, à l’exception d’une décennie à la tête de l’Institut catholique de Paris. Gravissant les échelons, il est devenu président de dicastère en 1980 et continue de vivre dans la Ville éternelle depuis sa retraite en 2007.
Sous le pontificat de Jean Paul II, les prélats français sont surtout reconnus pour leurs capacités diplomatiques. Le cardinal Roger Etchegaray, président des deux dicastères Cor Unum et Justice et Paix, est l’homme des missions les plus délicates du pape polonais. Celui-ci l’envoie ainsi au Rwanda en plein génocide, en Chine communiste, auprès de Fidel Castro ou encore à la rencontre de Saddam Hussein, à la veille de la guerre de 2003.
Décédé le 5 juillet 2018, le cardinal Jean-Louis Tauran a été l’autre acteur clef de l’activité internationale de Jean Paul II, en tant que secrétaire pour les Relations avec les Etats entre 1990 et 2003. Reconnaissant son habileté diplomatique, Benoît XVI le nomme président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, un poste qu’il occupait encore à sa mort. Signe de sa confiance en lui, le pape François le désigne camerlingue de l’Eglise en 2014 et au sein de commissions financières du Vatican.
Ces prélats ne sont toutefois pas les seuls Français à avoir su trouver une oreille attentive au plus haut de l’Eglise catholique. Paul VI a particulièrement été à l’écoute d’intellectuels de France: «J’aime la pensée française, sa vigueur, sa clarté, sa richesse, son expression», affirmait-il, toujours selon le cardinal Poupard. Et cela se retrouve dans sa forte amitié avec Jean Guitton (1901-1999).
Dans un entretien à l’hebdomadaire L’Express paru en 1996, l’écrivain et philosophe raconte sa première rencontre le 8 septembre 1950 avec le futur Paul VI, alors substitut de la Secrétairerie d’Etat. «Il m’avait demandé de lui faire la promesse de venir le voir chaque année le 8 septembre, pendant toute ma vie. J’ai tenu ma promesse vingt-sept fois!»
Observateur du concile Vatican II, premier laïc à s’exprimer lors d’un tel événement, Jean Guitton est aussi témoin «du déchirement de la conscience» de Paul VI sur la contraception, au moment de l’encyclique Humanae vitae (1968). Le pontife, analyse-t-il en 1988, avait choisi «la solution la plus difficile, celle qui consiste (…) à tenter d’élever les mÅ“urs jusqu’à la hauteur de la morale». Selon Jean Guitton, «ce devoir lui fut une croix».
Le philosophe thomiste Jacques Maritain (1882-1973) est un autre proche de Paul VI. Là aussi les deux hommes se sont connus avant l’élection au pontificat du cardinal Montini. Leur amitié remonte en effet aux années 1945-1948, alors que Jacques Maritain était ambassadeur de France près le Saint-Siège. Figure importante du concile Vatican II, c’est dans ses mains que Paul VI remet en décembre 1965 le Message du concile aux intellectuels.
L’influence la plus directe de Jacques Maritain sur le successeur de Pierre se retrouve probablement dans le ›Credo du peuple de Dieu’, proclamé en 1967 par le pontife pour rappeler la foi catholique et mettre un terme à certaines dérives postconciliaires. C’est en effet lui qui a rédigé l’essentiel de cette profession de foi, comme l’illustre le sixième volume des Correspondances entre Jacques Maritain et le cardinal suisse Charles Journet.
Avant Paul VI, Léon XIII (1878-1903) est un autre pape qui a montré son admiration pour un penseur français. En 1877, alors encore archevêque de Pérouse (Italie), il salue dans une lettre pastorale l’économiste libéral Frédéric Bastiat. Celui-ci, se réjouit le prélat, «a exposé comme en un tableau les bienfaits multiples que l’homme trouve dans la société et c’est une merveille digne d’être admirée». Devenu pape, Léon XIII fait transparaître la pensée du Français dans la partie condamnant le socialisme dans son encyclique Rerum novarum (1891). (cath.ch/imedia/xln/rz)
Raphaël Zbinden
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