Mgr Pier Giacomo Grampa, ou la passion de l'Afrique

Mgr Pier Giacomo Grampa, que de nombreux Tessinois n’appellent que par son diminutif de «Don Mino», n’est plus évêque de Lugano depuis décembre 2013. Mais l’homme n’a pas changé: il reste aux yeux de beaucoup «l’évêque volant», pour ses nombreuses visites en Afrique, en particulier en Ethiopie, un pays populeux et pauvre de la Corne de l’Afrique qui tient une grande place dans son cœur.

Ce n’est peut-être pas la facette la plus connue de l’évêque émérite de Lugano, mais Pier Giacomo Grampa est depuis des lustres sur les routes, dans le désir de connaître l’autre, de découvrir d’autres réalités. Comme en cette année de 1962, quand il s’est rendu pour la première fois, avec quelques confrères, en Terre Sainte… en auto (!) Parmi les pèlerinages, outre les immanquables rendez-vous annuels avec la Terre Sainte et Lourdes, il y a les «terres de mission», et parmi elles, l’Ethiopie.

Un pont de solidarité avec l’Afrique

«Don Mino» s’est en effet rendu pour la première fois en 1999 dans ce pays qui sort aujourd’hui d’une longue guerre fratricide avec l’Erythrée. Un conflit entre des pays parmi les plus pauvres d’Afrique, qui a coûté la vie à des dizaines de milliers de personnes. Pier Giacomo Grampa était alors l’invité de Paolo Brogini, l’ambassadeur suisse à Addis-Abeba (‘Nouvelle fleur’ en langue amharique). Il était encore professeur au Collegio Papio à Ascona, au bord du Lac Majeur (il y a travaillé 38 ans, dont 24 comme recteur), avant d’être nommé évêque de Lugano en décembre 2003.

C’est justement quand il était recteur du Collegio Papio qu’il a invité les jeunes étudiants à construire un pont de solidarité avec l’Afrique, en particulier avec l’Ethiopie. Des jeunes bénévoles qu’il a accompagnés et guidés pour une mission humanitaire durant l’été, au service des congrégations religieuses catholiques présentes dans ce pays quatre fois plus grand que l’Italie.

Une petite minorité catholique très active

Les catholiques de rite éthiopien ou de rite latin représentent à peine 1% de la population éthiopienne, alors que la majorité appartient à l’Eglise orthodoxe tewahedo, de rite guèze – qui dépendait jusqu’en 1959 de l’Eglise copte d’Alexandrie -, ou aux diverses Eglises évangéliques en forte expansion depuis quelques années. Si les catholiques sont très minoritaires, ils sont par contre très actifs dans le domaine de l’éducation, occupant la deuxième place après l’Etat pour le nombre d’écoles: les congrégations religieuses, en particulier, gèrent près de 400 institutions éducatives, dont des instituts de hautes études, des collèges techniques, des écoles secondaires et des écoles primaires, tant en ville que dans les zones rurales les plus reculées.

Le gouvernement éthiopien reconnaît la qualité de la formation donnée dans ces écoles dont le taux de réussite dépasse largement la moyenne des écoles publiques. Les congrégations catholiques ont également développé de nombreux centres de santé dispersés dans le pays, mais elles restent plus discrètes sur le plan pastoral, étant une petite minorité au sein de la population chrétienne où les orthodoxes dominent largement en nombre.

L’engagement de la famille Braglia

«Nous étions à la veille du grand Jubilé de l’an 2000. Le Jubilé, dans son antique acception biblique, est une année qui doit sensibiliser à la justice…», écrit-il dans un livre témoignage, «Etiopia, speranza in fiore» (Ethiopie, l’espoir en fleurs), édité par la Fondation Nuevo Fiore in Africa (NFA). Cette fondation, qui s’est constituée statutairement en 2011, est une initiative de la famille Braglia, une famille tessinoise engagée depuis 2007 dans la solidarité avec les populations pauvres d’Afrique, avec laquelle travaille l’évêque émérite de Lugano.

Mgr Grampa est d’ailleurs membre du conseil d’administration de cette fondation qui soutient des projets de développement non seulement en Ethiopie, mais également au Soudan du Sud, au Gabon, au Ghana et en République démocratique du Congo. La Fondation NFA finance des programmes visant à promouvoir et à améliorer l’éducation des enfants et des jeunes qui vivent dans des situations d’extrême pauvreté, également en développant la formation professionnelle.

La découverte d’une chrétienté antique

L’évêque émérite décrit avec passion, tout au long de l’ouvrage, les visages joyeux de ces enfants qu’il rencontre dans les écoles catholiques qu’il soutient, d’Addis-Abeba à Dilla, de Zway à Makanissa, de Gambella à Pugnido. Il salue l’engagement des pères salésiens, des religieuses salésiennes, des soeurs de Marie Auxiliatrice, des Frères capucins, qui construisent et dirigent ces institutions, visite l’école des cisterciens à Hosanna, voulue par un autre Tessinois, le Père Mauro Lepori, ancien père-abbé de l’abbaye d’Hauterive et aujourd’hui abbé général des cisterciens à Rome, rencontre les sœurs de Mère Teresa, qui s’occupent d’enfants abandonnés, malades de la tuberculose, de la malaria, de la lèpre ou du sida.

Parcourant cet immense pays sur des routes poussiéreuses et chaotiques, il raconte cette découverte du plus vieux pays chrétien d’Afrique (après l’Egypte), une chrétienté du début du IVe siècle «que nous ne devons pas laisser tomber, mais au contraire lui tendre la main». Frumentius, chrétien d’origine syrienne, premier évêque d’Aksoum, dans la province éthiopienne du Tigré, fut le précepteur du roi Ezana (il régna de 325 environ à 356 environ) qu’il convertit au christianisme.

Aujourd’hui, la population est encore en majorité chrétienne, mais l’islam (environ 40 % de la population) est en constante progression, favorisé par les dollars et la propagande qui arrivent constamment de la Péninsule arabique et qui font fleurir les mosquées un peu partout dans le pays. Un islam qui, souvent de tendance wahhabite, est loin d’être modéré, commente l’évêque émérite, qui demande par conséquent aux chrétiens occidentaux, trop souvent sans saveur, de se réveiller, d’être le levain dans la pâte, la lumière et le sel de la terre.  JB


La République fédérale démocratique d’Ethiopie

Etat de la Corne de l’Afrique, l’Ethiopie, officiellement appelée République fédérale démocratique d’Ethiopie, a une population de plus de 107 millions d’habitants. Cet Etat de 1,27 million de km2, le deuxième plus populeux  d’Afrique après le Nigeria, est le pays sans accès à la mer le plus peuplé du monde. La majorité de sa population est âgée de moins de 14 ans (près de 44 % en 2016) et l’âge moyen est d’environ 17 ans. Moins de la moitié de la population sait lire et écrire. La pratique du travail des enfants est très répandue dans le pays et le nombre d’enfants qui ne fréquentent pas l’école pour travailler sont, selon des estimations, plus de 10 millions. Addis-Abeba, la capitale du pays, compte environ 3,38 millions d’habitants. JB


Mgr Pier Giacomo Grampa, «patient dans l’adversité»

Mgr Pier Giacomo est né le 28 octobre 1936 à Busto Arsizio (Varese, Italie). Il fait ses études au séminaire du Venegono (diocèse de Milan) et de Lugano, puis à la Faculté de théologie d’Innsbruck, en Autriche, où il obtient sa licence. Il est ordonné prêtre le 6 décembre 1959 à Lugano. Enseignant d’abord le latin et l’italien au petit séminaire de Lugano, il est par la suite nommé vice-recteur du Collegio Papio à Ascona (de 1965 à 1975), où il enseigne la religion, la philosophie et l’histoire, tout en assumant sa tâche de curé dans diverses communautés paroissiales. En 1979, il est nommé recteur du Collegio Papio, fonction qu’il remplira jusqu’à sa nomination en tant qu’évêque. Il est nommé évêque de Lugano le 18 décembre 2003 et ordonné le 25 janvier 2004 à la cathédrale de Lugano. Sa devise est: «Patiens in Adversis» (Patient dans l’adversité). Il quitte sa charge d’évêque de Lugano le 8 décembre 2013 et vit désormais à l’Institut S. Angelo, à Castel San Pietro. (cath.ch/be)

Jacques Berset

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