Désormais, Israël, qui se qualifie volontiers de seule démocratie du Moyen-Orient, a établi juridiquement qu’il n’est plus un «Etat de tous ses citoyens», semant l’inquiétude même auprès de ses plus fermes soutiens. Ainsi l’AJC, une organisation forte de 175’000 membres et disposant de bureaux dans 33 Etats des Etats-Unis et de 7 bureaux dans le reste du monde, dont 5 en Europe (Paris, Berlin, Bruxelles, Genève et Rome), se dit «profondément déçu» par la nouvelle loi. L’American Jewish Committee est considéré comme la principale organisation juive internationale.
Le rabbin Rick Jacobs, président de l’Union for Reform Judaism, qui représente le plus grand courant juif aux Etats-Unis, a pour sa part qualifié la décision du parlement israélien de «jour triste et inutile pour la démocratie israélienne». Les dirigeants de ce mouvement ont fustigé cette mesure, qu’ils ont décrite comme une façon de codifier un système discriminatoire contre les Arabes et les autres minorités. Pour Rick Jacobs, «cette loi sur l’Etat-nation va porter gravement atteinte à la légitimité de la vision sioniste et aux valeurs de l’Etat d’Israël comme une nation démocratique et juive».
Israël, un des très rares pays du monde à ne pas disposer de Constitution, fait voter par la Knesset des «lois fondamentales» qui sont des textes à caractère constitutionnel.
L’AJC critique en particulier deux éléments de cette nouvelle «loi fondamentale» qui mettent en péril l’engagement des fondateurs d’Israël à construire un pays à la fois «juif et démocratique». Premièrement, la mesure rabaisse l’arabe de son statut de longue date de langue officielle d’Israël à une langue qui a simplement un «statut spécial».
«Non seulement cela affecte directement les 21% de citoyens israéliens qui constituent la plus grande minorité du pays, mais cela semble aussi aller à l’encontre des efforts continus du gouvernement pour encourager l’utilisation de la langue arabe, étant donné la situation géographique d’Israël au Moyen-Orient», souligne l’AJC.
L’AJC critique également l’article du projet de loi qui dit que «l’Etat considère le développement de la colonisation juive comme une valeur nationale et agira pour encourager et promouvoir son établissement et sa consolidation». Pour la puissante organisation juive américaine, cet article est un «euphémisme pour le soutien aux communautés exclusivement juives en Israël, préalablement proposé».
La nouvelle loi controversée proclame encore que Jérusalem est la capitale d’Israël, y compris la partie orientale de la ville annexée en violation du droit international. Selon le quotidien américain The New York Times, l’adoption de cette loi par la Knesset «a démontré l’ascendant des ultranationalistes au sein du gouvernement israélien, qui ont été encouragés par les gains obtenus par des mouvements nationalistes et populistes similaires en Europe et ailleurs», alors que Netanyahu est de plus en plus attiré par les «démocraties illibérales» comme celle de la Hongrie, «dont le Premier ministre d’extrême droite, Viktor Orban, est arrivé à Jérusalem pour une visite amicale quelques heures seulement avant le vote». (cath.ch/ajc/nyt/be)
Jacques Berset
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