Aumôniers en festivals: Dieu, entre deux pogos

En été, les festivals s’enchaînent. Autant de lieux désertés par l’Eglise? Pas de l’autre côté de la Sarine, où un projet pilote d’aumônerie en festivals a vu le jour au Greenfield d’Interlaken.

Claude Bachmann est aumônier en festivals. Un titre nouveau, qui sonne encore de manière un peu étrange aux oreilles des professionnels de la pastorale et autres catholiques engagés en Eglise. Et pourtant, à en croire cet étudiant de la Haute école de théologie de Coire, percé et tatoué, c’est un parvis comme un autre. «La foi n’est pas enfermée dans les églises, confie-t-il à la Luzerner Zeitung, qui s’étonne de voir une aumônerie coloniser de tels lieux, mais elle se vit dans le quotidien. Et donc dans les festivals de musique».

Certes, mais le Greenfield n’est pas n’importe quel festival. Depuis 2005, il attire de nombreux fans de métal, de punk et de rock alternatif sur les prairies de l’aérodrome d’Interlaken. Des dizaines de milliers de festivaliers viennent chaque année acclamer les mastodontes du genre comme Rammstein, System of a Down, Linkin Park ou encore Marilyn Manson. Du bon rock bien lourd donc, qui a vu défiler du 7 au 9 juin dernier une trentaine de groupes au pied des Alpes bernoises.


Greenfield festival: bande annonce 2018


Violent, comme la Bible

C’est aussi le cadre choisi par Claude Bachmann et l’équipe œcuménique d’une vingtaine de bénévoles pour installer les quartiers de leur aumônerie éphémère. Un bar, deux petits parloirs et quelques fauteuils, le tout orné de squelettes maniant mandolines, violons et tambourins. Difficile d’y retrouver une symbolique chrétienne, non? Claude Bachmann n’est pas si catégorique. «C’est une forme d’expression des émotions, qui peuvent être brutales et violentes parfois. Mais si vous lisez la Bible, vous verrez qu’elle n’est pas faite que de belles petites histoires. Elle est aussi traversée par une forme de violence.»

Dans le décor se trouve aussi une oreille – imprimée par ailleurs sur les t-shirts des aumôniers. C’est sans doute elle qui symbolise au mieux la démarche. " Nous ne sommes pas là pour faire du prosélytisme ou pour convertir qui que ce soit, explique Claude Bachmann. Mais pour offrir une oreille attentive aux festivaliers qui souhaitent nous rencontrer».

Sur les fauteuils de l’AnsprechBar – c’est ainsi que se nomme le stand de l’aumônerie – ce sont surtout des questions sur le sens de la vie qui constituent le gros des échanges. Il est aussi question de croyance, de l’existence de Dieu. Parfois l’un ou l’autre festivalier se confie sur un événement douloureux, comme le décès d’un proche ou la rupture d’une relation. Les conversations ne se situent cependant pas toutes à ce degré de profondeur. Le festival en lui-même, la musique et les groupes qui se partagent la scène se retrouvent eux aussi régulièrement au cœur des conversations.

Un succès

A l’heure du bilan, Claude Bachmann rechigne à parler chiffres. «Question mortelle!, s’insurge-t-il. Tout le monde veut savoir combien de personnes sont venues et personne ne s’intéresse à savoir si les gens se sont sentis bien accueillis. Je l’ai aussi expérimenté comme aumônier de jeunes en paroisse. La personne qui me supervisait voulait toujours mesurer le succès sur la base de chiffres.»

La présence au festival a-t-elle donc porté du fruit? «Je n’ai reçu aucun commentaire négatif, répond Claude Bachmann. Mais je vais tout de même le dire, puisqu’il s’agissait d’un projet pilote qui devra faire l’objet d’une analyse plus poussée. Il y avait entre 3 et 400 personnes sans notre bar sur la durée du festival. Une majorité d’hommes, entre 20 et 30. Donc, si la réussite se mesure en chiffre, c’est un succès.» (cath.ch/pp)


Le stand de l’aumônerie au Festival d’Interlaken

Pierre Pistoletti

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/aumoniers-en-festivals-dieu-entre-deux-pogos/