Suisse: Rendre moins attractif le service civil n’augmentera pas l’attractivité de l’armée

La Fédération suisse du service civil CIVIVA a dénoncé le 9 juillet 2018 le projet de modification de la Loi sur le service civil mis en consultation par le Conseil fédéral. Ce texte met en péril l’égalité face à l’obligation de servir et doit être résolument rejeté. CIVIVA a déjà annoncé son intention de lancer le référendum si ce projet n’est pas revu.

La modification de loi vise notamment à restreindre l’accès au service civil pour les conscrits ayant déjà effectué leur école de recrues. En fixant un minimum de 150 jours de service civil à accomplir, quel que soit le moment de dépôt de la demande, il deviendrait au fur et à mesure des cours de répétition, de plus en plus «cher» de passer au service civil, dénonce CIVIVA. Cette pénalité serait encore accentuée par le délai d’attente imposé aux demandeurs. Pendant les douze mois suivant le dépôt de la demande, le requérant devrait tout de même continuer à effectuer ses obligations au sein de l’armée.

Pour CIVIVA, le Conseil fédéral se concentre sur le point de vue de l’armée, sans prendre en compte la contribution essentielle des civilistes à la société. Rendre moins attractif le service civil n’augmentera pas l’attractivité de l’armée. C’est une stratégie vouée à l’échec, annonce-t-elle.

Un service civil une fois et demie plus long

La fédération CIVIVA, l’organisation männer.ch, le Conseil suisse des activités de jeunesse (CSAJ) et l’association Konkret rappelent que la durée du service civil est déjà une fois et demie plus élevée que celle du service militaire. Ce qui en soit est une atteinte à l’égalité face à l’obligation de servir.

Le service civil est pourtant bénéfique à la société dans de nombreux domaines, comme le social ou l’entretien de la nature. Un grand nombre d’établissements d’affectation ne pourraient simplement pas fonctionner sans cette institution. «Avec ses moyens limités, le Conseil suisse des activités de jeunesse (CSAJ) ne peut pas créer de places de travail à gogo. Il dépend en grande partie de la disponibilité des civilistes», relève son secrétaire général Andreas Tschöpe. Le service civil propose donc une main-d’œuvre nécessaire, qui n’entre pas en concurrence avec le marché du travail, des règles claires étant fixées à ce sujet.

Un engagement qui fait sens

Deux civilistes, présents à la conférence de presse, ont témoigné de leur engagement. Après avoir accompli leur école de recrues, ils expliquent leur choix du service civil par le peu de sens qu’avait leur engagement au sein des forces militaires. Pour eux, la journée d’un civiliste est au moins autant fatigante que celle d’un soldat. «Et nous avons un effet direct sur la société», commente Andreas Mörker, ancien officier de milice. «J’ai dû me dépasser, y investir mon énergie mais aussi mon cœur, ce qui est selon moi le plus bel engagement qu’un individu puisse témoigner à égard de ses concitoyens» renchérit Xavier Bengoa.

Rosmarie Quadranti, membre du comité de CIVIVA et Conseillère nationale (PBD ZH), a accompli volontairement le service militaire. Elle plaide pour que les femmes puissent également être admises au service civil. «La société a beaucoup évolué alors que l’armée reste basée sur des normes sociales de masculinité totalement dépassées: la vision d’un homme fort défendant le pays n’a plus rien à voir avec la réalité. Aujourd’hui, des hommes aspirent aussi à rendre service à la collectivité d’une manière pacifique, ce que certains courants politiques tentent de discréditer au lieu de profiter de l’énorme potentiel offert par cette forme d’engagement», déplore-t-elle. (cath.ch/com/mp)

Maurice Page

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