Quel est, à votre avis, le principal message du pape François lors de sa visite au Conseil oecuménique des Eglises à Genève?
Olav Fykse Tveit: La visite du pape François au COE a démontré comment les tensions, les distances et les conflits peuvent être dépassés dans la prière commune et la rencontre mutuelle. J’ai beaucoup de gratitude envers le pape pour sa forte reconnaissance de l’œcuménisme exprimée, dans sa prédication du matin, son discours de l’après-midi et lors de notre rencontre autour du repas au centre œcuménique du château de Bossey.
J’ai été personnellement touché lorsque dans la chapelle, il a déclaré: «Chers frères et sœurs, j’ai voulu venir ici en pèlerin à la recherche de l’unité et de la paix. Je remercie Dieu, parce qu’ici je vous ai trouvés, vous, frères et sœurs déjà en chemin.»
Ensemble sur le chemin, comme frères et soeurs, nous marcherons d’une nouvelle manière vers l’unité. Le pape a renforcé l’esprit du pèlerinage de justice et de paix avec les Eglises membres du COE et les autres partenaires œcuméniques. Il nous a rappelés aussi que nous devons être ensemble auprès des marginalisés et des exclus. Comme nous sommes engagés pour la justice et la paix, nous devons aussi nous souvenir toujours de notre mandat missionnaire.
«Cette journée a été une pierre milliaire. Nous n’allons pas en rester là»
Cette visite a-t-elle changé les relations entre l’Eglise catholique et le COE?
Cette journée a été une pierre milliaire. Nous n’allons pas en rester là. Nous allons poursuivre. Nous pouvons ensemble faire beaucoup plus pour tous ceux qui ont besoin de nous. Nous voulons travailler à l’unité visible de l’Eglise au sein de la commission «Foi et Constitution» (dont l’Eglise catholique est membre ndlr). Notre collaboration pour la mission et l’évangélisation renforcera notre témoignage commun face au monde en plus de nos initiatives pour la solution des questions de justice économique et de pauvreté.
Voyez-vous de nouvelles formes de collaboration?
L’Eglise catholique romaine va continuer à s’engager dans la formation et l’éducation oecuméniques. Par exemple avec le doyen de l’Institut œcuménique de Bossey qui est un professeur catholique de théologie biblique. Avec le Dicastère romain pour le service du développement humain intégral nous préparons pour le mois de septembre au Vatican une grande conférence sur la migration, la xénophobie et le populisme. Je prévois aussi uen intensification des initiatives communes pour la paix entre l’Eglise catholique et le COE dans de nombreux endroits du monde
La rencontre avec les étudiants de l’Institut œcuménique de Bossey a été une bonne occasion de confirmer le rôle de la jeunesse dans les Eglises. Notre secrétaire pour la jeunesse était à Rome pour une conférence préparatoire du synode des évêques sur les jeunes. Ensemble nous pouvons ouvrir des chemins pour les générations futures et créer de nouvelles formes d’unité de justice et de paix que nous partageons toujours plus.
Avez-vous pris part à la messe du pape à Palexpo?
Nous étions présents à Palexpo avec les participants à notre assemblée du comité central du COE ainsi que les collaborateur du COE et nos partenaires oecuméniques. C’était beau de voir combien de catholiques, venus de toute la Suisse et de France voisine, ont célébré l’eucharistie avec le pape. Il était bon de commencer cette journée par la prière et dans notre chapelle du COE et de la terminer ensemble avec ces milliers de personnes et le pape François pour demander au Seigneur Jésus-Christ de nous accompagner sur le chemin de l’œcuménisme.
Comment avez-vous vécu cette célébration?
Dans sa prédication, le Saint-Père a repris trois mots du Notre Père: Père, pain et pardon. Nous sommes une grande famille. Nous devons choisir un style de vie plus simple et nous soutenir mutuellement dans la prière et l’action. Nous devons jamais nous fatiguer de nous pardonner mutuellement. Nous pouvons voir comme un fruit du mouvement œcuménique le fait que les chrétiens passent du conflit à la communion et se pardonnent les uns les autres. Lorsque nous prions ensemble la prière du Seigneur, nous nous souvenons que ce qui nous lie est beaucoup plus fort que ce qui nous sépare.
«Une célébration oecuménique aurait privé des milliers de catholiques de la possibilité de célébrer l’eucharistie avec le pape»
Beaucoup a été dit sur l’unité des chrétiens, mais cette unité a été peu visible durant la messe. Une célébration œcuménique n’aurait-elle pas été plus appropriée?
La prédication du pape était un message significatif envers la communauté catholique. Elle reflète le but de la visite de ce jour au COE. J’ai remarqué aussi la présence importante de représentants des autres Eglises et des autorités suisses et genevoises.
Cela a été aussi l’occasion de voir ce que nous avons en commun. Même si nous sommes encore séparés à la table du Seigneur, nous sommes en route ensemble et nous savons ce que nous avons encore à faire.
Une célébration oecuménique aurait privé des milliers de catholiques de la possibilité de célébrer l’eucharistie avec le pape. Lorsque nous avons préparé la visite au COE, il a été d’emblée clair que les fidèles catholiques ne devaient pas avoir seulement l’occasion de voir le pape, mais aussi de célébrer la messe avec lui.
La guerre, la faim, le droit des femmes ont aussi été des thèmes discutés durant la journée. Voyez-vous la possibilité d’être plus actifs avec l’Eglise catholique sur ces questions?
Outre la conférence sur la migration à Rome dont je viens de parler, je peux citer l’exemple de la collaboration entre la communauté catholique Sant’Egidio et l’Eglise évangélique d’Italie pour la création de couloirs humanitaires pour les réfugiés. Cet exemple peut nous inspirer dans d’autres pays.
Nous travaillons ensemble avec les Eglises en Syrie, en Irak, au Soudan du Sud, au Burundi, au Nigeria, en Colombie et dans d’autres pays ou régions en conflit. Je pense que ce travail commun pour la paix va s’intensifier afin de partager la réconciliation et l’espérance
Des Eglises très différentes sont rassemblées sous le toit du COE. Le rôle et la personne du pape sont diversement appréciés. Qu’en pensez-vous?
Le primat de l’évêque de Rome est naturellement une question en discussion entre les Eglises, mais ce n’est plus un thème dont nous ne pouvons pas débattre. Nous savons que quelques-unes de nos Eglises-membres ont encore des questions critiques et des réserves face à l’enseignement de l’Eglise catholique. Quelques-unes ont des relations difficiles parce que, dans l’histoire, elles vécu en minorité sous la dominance de l’Eglise dans des pays typiquement catholiques.
Le service du pape pour l’unité comme primus inter pares, comme premier parmi ses pairs, plutôt que comme dirigeant de toute la chrétienté, trouve un soutien dans beaucoup de nos Eglises. Le pape François reçoit lui-même beaucoup de respect et de soutien. Ce qui s’est exprimé lors de la visite au COE. (cath.ch/kath.ch/sys/ms/mp)
Maurice Page
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