Président de dicastère, le cardinal Tauran était l’un des Français les plus hauts placés au sein de la Curie romaine. Il avait été nommé le 20 décembre 2014 par le pape François pour être camerlingue de la Sainte Eglise romaine. Un titre important surtout en cas de conclave, ce que le cardinal Tauran n’a donc pas connu. Le camerlingue est en effet chargé de l’administration des biens temporels du Saint-Siège en cas de vacance apostolique.
Le cardinal Tauran a toutefois eu un rôle de premier plan dans l’élection du pape argentin: alors cardinal protodiacre, c’est lui qui a été chargé d’annoncer au monde le nom du nouveau souverain pontife lors de l’Habemus papam, le 13 mars 2013.
Le prélat français avait reçu sa barrette de cardinal en 2003 des mains de Jean Paul II. Elle venait alors consacrer sa nomination comme bibliothécaire et archiviste de l’Eglise. Déjà une charge prestigieuse au sein de l’administration du Saint-Siège.
Mais le 1er septembre 2007, c’est lui que le pape Benoît XVI avait choisi pour être président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. Une décision pour laquelle le pape allemand s’était laissé le temps de la réflexion après la polémique sur son discours à Ratisbonne en Allemagne, du 12 septembre 2006. Le précédent président de ce dicastère était parti le 15 février 2006. Dans l’attente, le pontife avait préféré confier ce dicastère au cardinal Paul Poupard – un autre français, président du Conseil pontifical de la culture.
En choisissant celui qui était alors surnommé le ›Kissinger du pape’, Benoît XVI avait nommé un diplomate du Saint-Siège qui affirmait alors que «la liberté politique ne suffit pas, ce qui sert c’est la liberté intérieure». En d’autres termes un prélat ouvert au dialogue, mais ferme sur l’essentiel. «Nous sommes condamnés au dialogue», avait ainsi considéré le président de dicastère en novembre 2016 à l’hebdomadaire français Famille Chrétienne. Avant d’expliquer sa pensée : «Ou c’est le dialogue, ou c’est la guerre».
Une attitude qui s’est dernièrement retrouvée dans le dialogue avec l’islam et en particulier lors du voyage historique du cardinal Tauran en Arabie Saoudite en avril 2018. Rencontrant les plus hautes autorités du pays – dont le roi Salmane – le haut prélat avait plaidé sans concession pour la liberté religieuse. Tout en demandant une condamnation des actes terroristes islamistes. Ceux-ci profanent le nom de Dieu, estimait-il déjà en 2016.
Le haut prélat français avait aussi été à l’œuvre pour le voyage du pape François en Egypte, en avril 2017. A cette occasion, le pontife s’était notamment rendu à l’université Al-Azhar, plus haute autorité sunnite. Une visite qui avait ainsi marqué le plein rétablissement des relations entre le Saint-Siège et cette institution, après plusieurs années de brouille.
Polyglotte, Jean-Louis Tauran a passé la majeure partie de sa vie au service du Saint-Siège: ordonné en 1969 pour le diocèse de Bordeaux, il est appelé à l’Académie pontificale ecclésiastique dès le début des années 1970. Après un passage en nonciatures – notamment au Liban – il est nommé sous-secrétaire pour les relations avec les Etats en 1989.
Le pape Jean Paul II l’ordonne lui-même évêque en 1991, en marque de confiance envers le prélat français qui choisit alors comme devise «Vérité et charité». Sous-chef de la diplomatie vaticane, le Français aura notamment connu la chute de l’URSS et de la Yougoslavie, le génocide rwandais, le 11 septembre 2001 et les deux guerres du Golfe. En 2003, peu avant de le nommer cardinal, Jean Paul le mobilise d’ailleurs sur la question irakienne, afin d’éviter l’invasion américaine qui aura tout de même lieu.
Avec le décès du cardinal Tauran, le Collège cardinalice ne compte plus que quatre cardinaux français électeurs. Le Français le plus haut placé au sein de la Curie est désormais le cardinal Dominique Mamberti, 66 ans, préfet du Tribunal suprême de la Signature apostolique. En cas de conclave, ce sont désormais 124 cardinaux qui seront appelés à voter. (cath.ch/imedia/ah/xln/mp)
Maurice Page
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