«Tous ceux qui, comme moi, sont attristés par la somnolence du mouvement œcuménique ne peuvent qu’être heureux de la venue du pape à Genève«, confie le Père Beaupère à cath.ch. «Le pape a remis le train œcuménique sur les rails».
Le dominicain est d’autant plus satisfait qu’il a lui-même été l’un des plus zélés bâtisseurs des voies ferrées qui relient actuellement les croyants de diverses confessions en France. Né en 1925 à Lyon, c’est près de trois quarts de siècles qu’il a consacrés à l’unité des chrétiens. D’abord dans sa ville, et plus tard en faisant découvrir des lieux chrétiens du monde entier aux nombreux adeptes de ses «voyages œcuméniques». Créateur du Centre œcuménique Saint-Irénée, en 1953 à Lyon, il a été l’un des premiers à souligner la nécessaire prise en charge pastorale des couples protestants-catholiques et la fécondité spirituelle particulière de ces «îlots d’unité» retrouvée.
Maurice Beaupère a donc vécu avec enthousiasme l’arrivée, en 2013, d’un pontife sud-américain très concerné par l’œcuménisme et le dialogue interreligieux. Un mouvement vers l’unité auquel il a donné «un nouvel élan» le 21 juin 2018. Pour le dominicain français, le pape François a fait exactement ce qu’il fallait à Genève, même s’il est resté dans un cadre très général. «Je n’attendais pas plus. C’est un pape qui a les pieds sur terre. Qui sait très bien qu’il ne servirait à rien de vouloir aller trop vite». Le plus important, pour le Père Beaupère, a été que le pontife reconnaisse le cheminement, les avancées réalisées grâce à la coopération entre le COE et l’Eglise catholique. «Maintenant, il s’agit de faire en sorte que cela se traduise dans le concret. Malgré que des théologiens aient grandement avancé, la base des fidèles reste mal informée, car les publications sur l’œcuménisme sont peu nombreuses et mal diffusées». Pour le dominicain, il est ainsi d’autant plus important que des personnalités charismatiques telles que le pape François ou le patriarche de Constantinople Bartholomée «donnent des coups de pouce» au mouvement œcuménique.
Pour René Beaupère, l’intercommunion constitue le principal champ de développement. Il a naturellement suivi de très près «l’affaire allemande» qui a récemment relancé le débat sur la question. En février 2018, l’assemblée des évêques allemands avait en effet adopté à la majorité des deux-tiers un projet sur l’intercommunion. Selon ce dernier, l’époux, ou l’épouse de confession protestante d’une ou d’un catholique, pourrait être admis à la communion, sous certaines conditions, après un examen de conscience «sérieux» et avoir professé la foi catholique.
Or, fin mars, sept évêques allemands «réfractaires», emmenés par le cardinal Rainer Woelki, archevêque de Cologne, ont demandé au pape François une «clarification» sur le projet de la Conférence des évêques. Début juin, le pape François, par l’intermédiaire de la Congrégation pour la doctrine de la foi (CDF), avait souligné que le document allemand n’était «pas mûr» pour être publié, car il soulevait des problèmes d’importance significative.
Une «clarification» qui, pour René Beaupère, ne signifie pas pour autant un «désaveu» de la part du pape. «François a simplement voulu renvoyer les évêques à leur copie, parce qu’il considère qu’il faut une unanimité sur cette question. Mais il estime en général que cette question doit se régler au niveau des conférences épiscopales, ce à quoi j’adhère totalement. Les questions d’intercommunion doivent prendre en compte les réalités du terrain et les évêques locaux sont les plus à même de les comprendre et d’y apporter une réponse adéquate. Cette liberté que le pape veut accorder aux épiscopats est un grand espoir pour l’avenir».
Le Père Beaupère, qui accompagne depuis des décennies de nombreux couples mixtes, connaît la souffrance que peut engendrer «l’inhospitalité eucharistique». «Il y a beaucoup de témoignages de la difficulté d’éducation spirituelle et religieuse pour les enfants des couples mixtes». Dans la dernière édition de Chrétiens en marche (le bulletin du Centre Saint-Irénée), une protestante mariée à un catholique raconte son cheminement parfois cahoteux entre les deux Eglises. Pour la première communion de l’un de ses fils, elle avait demandé à un prêtre âgé la permission de pouvoir communier lors de la cérémonie. «Bien évidemment» lui avait répondu ce dernier. Deux ans plus tard, pour la même démarche avec un autre de ses fils, elle se voit signifier un non catégorique de la part d’un prêtre plus jeune.
Pour Maurice Beaupère, c’est un signe supplémentaire d’un essoufflement de l’œcuménisme. «Nous ne pouvons pas avancer si nous avons des positions complètement différentes à l’intérieur même de notre Eglise». Il admet d’ailleurs que cette diversité d’opinions est de la même ampleur chez les protestants. «Pourtant, il y a tout à fait moyen de concilier l’eucharistie catholique et la Sainte Cène des protestants. Des travaux de groupes mixtes de théologiens ont déjà été réalisés en ce sens. Par exemple au sein du Groupe des Dombes. Mais les responsables catholiques ne les connaissent pas, où ne veulent pas les prendre en compte». Pour le dominicain, il serait ainsi moins compliqué que ce que l’on pense de faire de l’intercommunion une réalité concrète, au moins pour les événements religieux importants. Cela dans un contexte local. «Car on ne peut pas demander que toute solution vienne de Rome, du pape…ou même de Dieu». (cath.ch/rz)
Un nouvel écrin pour la bibliothèque du Centre Saint-Irénée
René Beaupère était à l’honneur le 28 juin 2018, à l’Université catholique de Lyon (UCLy), dans le cadre de la conférence «Chrétiens en marche vers l’unité-Relire l’histoire, construire l’avenir». Outre le dominicain, plusieurs autres personnalités importantes du mouvement œcuménique en France se sont exprimées.
Au centre de l’événement était le transfert de la bibliothèque du Centre Saint-Irénée à l’Université catholique de Lyon (UCLy), qui s’est effectué en été 2017. La bibliothécaire Danièle Martin a détaillé le déplacement des 750 mètres de documents de la Place Gailleton à Lyon au site St-Paul, qui abrite la bibliothèque Henri de Lubac, dans le complexe de l’UCLy. «L’inscription de cette bibliothèque dans le cadre universitaire veut marquer un nouveau départ de la recherche œcuménique», a-t-elle souligné. Le fonds est riche de plus de 20’000 volumes, 1’000 revues et périodiques ayant trait à l’œcuménisme. Il contient quelques trésors, notamment des documents assez anciens sur le protestantisme et l’orthodoxie.
A l’occasion du transfert, la bibliothèque Henri de Lubac et celle du Centre Saint-Irénée exposent quelques œuvres représentatives de leur collection. RZ
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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