En se rendant au Vatican pour une audience avec le pape François, le 26 juin 2018, Emmanuel Macron s’inscrit dans les pas de la quasi-totalité des présidents français, depuis René Coty, au point de devenir une constante sous la Ve République.
Avant René Coty le 13 mai 1957, venu s’entretenir avec Pie XII (1939-1958), aucun chef d’Etat français ne s’était rendu au Vatican depuis le roi Charles VIII à la fin du 15e siècle. Au cours de la première guerre d’Italie, le monarque avait alors rencontré le pape Alexandre VI (1492-1503).
En 1958, l’avènement de la Ve République permet aux présidents français de retrouver le chemin du Vatican. Déjà le 30 juin 1944, après la libération de Rome, le général Charles de Gaulle avait obtenu une audience avec Pie XII. Jusqu’alors, le Saint-Siège ne reconnaissait en effet que Vichy comme gouvernement français, une situation inacceptable pour le chef de la France libre.
Le 27 juin 1959, le président de Gaulle s’y rend cette fois en ›visite d’Etat’. Revêtu du collier de l’Ordre suprême du Christ, il rencontre Jean XXIII (1958-1963), avec son épouse et son ministre des Affaires étrangères, le protestant Maurice Couve de Murville. Sur le contenu de l’entretien de vingt-cinq minutes, «on ne demande pas au pape de quoi il parle avec un chef d’Etat», avait expliqué en souriant le souverain pontife, selon l’Institut national de l’audiovisuel (INA). C’est également la première fois qu’un chef d’Etat était filmé lors de sa réception dans la Salle du trône au Vatican.
C’est au cours de sa troisième visite, le 31 mai 1967, que le général de Gaulle prend possession du titre de chanoine honoraire de la basilique Saint-Jean-de-Latran, hérité des rois de France. Il s’entretient également pendant une vingtaine de minutes avec le pape Paul VI (1963-1978), dans la Bibliothèque du Palais apostolique.
Georges Pompidou, en revanche, marqué par l’après-Mai 68, ne souhaite pas se rendre auprès du successeur de Pierre. Il sera le seul chef d’Etat français à ne pas effectuer ce voyage.
Valéry Giscard d’Estaing ne se rendra qu’en ›audience privée’ au Vatican, le 1er décembre 1975. Au cours de celle-ci, il aborde avec Paul VI la «spiritualité dans le monde moderne, la paix au Liban», mais aussi l’avortement récemment légalisé, rapportait la Croix en 2014.
›VGE’ a aussi rencontré Jean Paul II (1978-2005) pour un ›entretien privé’, le 26 octobre 1978, soit quelques jours après son élection. Les deux hommes se retrouvent aussi lors de la visite en France du pape polonais, en 1980. Le 30 mai, le pontife lancera son fameux «France, fille aînée de l’Eglise, qu’as-tu fait des promesses de ton baptême ?». Dans un entretien à Paris-Match en 2005, l’ancien président confie aussi que Jean Paul II était «très direct» et lui avait «reproché d’avoir fait voter une loi trop permissive sur l’avortement».
Quant à François Mitterrand, il est reçu par Jean Paul II le 28 février 1982 pour une ›visite privée’, et non en visite d’Etat. Il choisit de ne pas prendre non plus possession de son titre de chanoine d’honneur au Latran. Pourtant, il est reçu en audience pendant une heure et quart, et non 45 minutes comme prévu initialement. C’est à ce jour, note l’INA en 2018, la plus longue audience entre un chef d’Etat et un pape. Le souverain pontife s’inquiète de la situation de l’enseignement catholique, menacé par le programme commun de la gauche au pouvoir.
En raccompagnant ses visiteurs, Jean-Paul II propose des médailles et des chapelets à ses armoiries. François Mitterrand n’ose pas en prendre un, mais glisse à son porte-parole Michel Vauzelle : »prenez-en un pour ma sœur», racontent les journalistes Pierre Favier et Michel Martin-Roland dans La décennie Mitterrand (Seuil, 1990).
A son tour, Jacques Chirac en 1996 choisit de renouer avec les ›visites d’Etat’, plus solennelle, mais abandonnées depuis le général De Gaulle. Il est reçu en grande pompe le 20 janvier, avec son épouse coiffée d’une mantille noire. Au cours de son entretien avec le pape polonais, le président veut «témoigner de la fidélité de la France à son héritage chrétien» et prend aussi son titre de chanoine à la basilique Saint-Jean-de-Latran. Jean-Paul II, lui dit en souriant, au moment de le quitter : «vive la France».
Les deux venues de Nicolas Sarkozy seront parsemées de polémiques. Le 20 décembre 2007, il est reçu par Benoît XVI (2005-2013) en compagnie de l’humoriste Jean-Marie Bigard. Mais c’est surtout son discours à la basilique du Latran qui suscitera des oppositions. Après la prise de son titre, il loue une «laïcité positive» et affirme que «l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal».
Le président Sarkozy rencontre à nouveau Benoît XVI le 8 octobre 2010. Il s’agit pour le chef de l’Etat d’apaiser les tensions entre des évêques français et l’Etat français, après ses propos sur les Roms dans le discours de Grenoble du 30 juillet. Il se recueillera également dans la basilique Saint-Pierre, à la chapelle du Saint-Sacrement, en face du tombeau de Saint-Pierre, puis devant la chapelle de Sainte-Pétronille, patronne de la France, où se déroule une messe célébrée par le cardinal Jean-Louis Tauran.
François Hollande pour sa part se rend trois fois au Vatican, mais ne prendra jamais possession de son titre de chanoine. Le 24 janvier 2014, les deux ›François’ se rencontrent le jour de la saint François… de Sales. Il s’agit alors d’une audience privée.
Après des mois de tensions diplomatiques, d’octobre 2015 à juin 2016, entre la France et le Saint-Siège autour de la nomination de l’ambassadeur de France près le Saint-Siège, le président Hollande retrouve le pape le 17 août 2017, après l’assassinat du Père Jacques Hamel (26 juillet 2016). Au cours de cette audience, le terrorisme est au cœur des préoccupations des deux chefs d’Etat. Le président Hollande qualifie le pape de «frère aux côtés du peuple français» et rappelle que la France est «parmi les protecteurs des chrétiens d’Orient».
Enfin, recevant les chefs d’Etats et de gouvernements de l’Union Européenne pour les 60 ans du traité de Rome le 24 mars 2017, le pape avait chaleureusement salué François Hollande, le gratifiant même d’une accolade à quelques semaines de sa fin de mandat. (cath.ch/imedia/acp/mp)
Maurice Page
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