Les incursions armées au Cameroun ont contraint 160’000 personnes à partir de chez elles pour se réfugier dans la brousse et 26’000 autres à traverser la frontière vers le Nigeria pour fuir des régions «hantées par la peur et la mort». 95% d’entre elles n’ont à manger que pour quelques jours.
Le fait pour une personne de parler anglais ou français semble être une raison suffisante pour se faire tuer, note Caritas internationalis, une confédération de plus de 160 associations membres qui travaillent à la base presque partout dans le monde et dont le siège est à Rome. Caritas internationalis a lancé un appel de récolte de fonds d’urgence en faveur des populations civiles des régions anglophones du Cameroun en proie à la violence.
Le conflit a pour origine une crise socio-politique, qui a éclaté en octobre 2016, suite à des revendications d’activistes des deux régions anglophones, qui représentent environ 20 % des 24 millions de Camerounais. Ces militants dénonçaient, au départ, la marginalisation de leurs régions dans la vie politique nationale. Ils réclament désormais la séparation de leurs régions du reste du Cameroun pour en faire un Etat indépendant qui s’appellerait «Ambazonie». Il serait lié au Cameroun par un système fédéraliste comme cela était le cas durant la période 1961-1972.
L’Eglise catholique s’est plusieurs fois déclarée opposée à la séparation du pays, prônant plutôt une décentralisation «plus poussée» du pays. Les évêques du Cameroun ont lancé un «cri de détresse» le 16 mai dernier, affirmant qu’il est temps que des pourparlers soient mis en place. «Sauvons notre pays, le Cameroun, d’une guerre civile futile et sans fondement», écrivent-ils.
«Cessons toute forme de violence et arrêtons de nous entretuer, nous sommes tous frères et sœurs; reprenons la voie du dialogue, de la réconciliation, de la justice et de la paix». Les évêques, en particulier ceux des zones anglophones, ont condamné avec véhémence l’usage excessif de la force par l’armée. Ils ont appelé le président de longue date Biya à inviter toutes les parties à des pourparlers et à libérer les activistes des prisons.
«Malheureusement, la situation va de mal en pis», a déclaré l’abbé Kisito Balla Onana, directeur de Caritas Cameroun. «Ces derniers jours, a-t-il poursuivi, le nombre de morts et de personnes enlevées a augmenté (…) Les sécessionnistes gagnent du terrain. Eux aussi sont violents et tuent des personnes…»
Pour Emmanuel Bekomson, directeur de la Caritas de Calabar, au Nigeria, la situation de conflit «empire sérieusement». Les récits des réfugiés arrivés depuis peu à Cross River, au Nigeria, confirment que les tirs n’ont jamais cessé à Mamfé, Limbé, Buea, et Nsan Aragati, a-t-il témoigné. Caritas Nigeria travaille pour augmenter son aide le plus vite possible aux réfugiés. Elle mise sur la protection des orphelins et des enfants vulnérables, le renforcement de l’économie des familles et développe des programmes de microfinance, remarque William Itorok Effiom, de Caritas Calabar, qui travaille à l’épicentre d’arrivée des réfugiés.
De son côté Caritas Cameroun a recensé, rien que dans le diocèse de Mamfé, au sud-ouest du Cameroun, 45’000 personnes victimes de la crise, la majorité déplacées et vivant dans le bush. L’évêque du diocèse, Mgr Andrew Nkea Fuanya, a négocié avec les forces de sécurité pour permettre aux personnes d’accéder à leurs fermes et quelques courageux font le pas de rentrer chez eux.
La crise «semble s’intensifier et les conditions empirent de jour en jour», a relevé Hippolyte Sando, de Caritas Cameroun. «Dans ces conditions, rentrer chez soi serait du suicide. La situation reste tendue, sans aucun signe d’amélioration dans les jours à venir». (cath.ch/ibc/be)
Jacques Berset
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