«Je ne peux pas aller à la messe du pape, mais priez pour moi quand vous y serez, s’il vous plaît «, demande Rosario aux «pèlerins». Le contrôleur de train d’origine italienne converse joyeusement et ouvertement avec le groupe qui se rend à Genève. Les discussions s’enchaînent dans le train entre des inconnus et la petite équipe œcuménique, avec une ouverture inhabituelle dans les transports publics. Le pape communiquerait-il sa bonne humeur et son esprit fraternel à des kilomètres de distance? A l’arrivée à Lausanne, pas moins de trois personnes ont demandé aux membres de la Fraternité œcuménique de prier pour elles à l’occasion de la cérémonie.
Un beau début de pèlerinage pour la petite délégation qui s’était réunie quelques dizaines de minutes auparavant, par un beau soleil de premier jour d’été, sur le quai de la gare de Croy-Romainmôtier.
Jean-Yves Savoy, responsable de la Fraternité, mène le groupe qui compte, avec lui, deux catholiques et trois protestantes. Des protestantes que la perspective d’une messe n’effraye en aucune mesure. Les membres de la Fraternité sont à vrai dire habitués au partage liturgique. Depuis 2003, catholiques et protestants prient tous les jours ensemble à l’abbatiale de Romainmôtier pour l’unité des chrétiens.
«Toutes ces différences entre nous devraient depuis longtemps être aplanies», lance Marlyse, laïque protestante. Pour Suzanne, les différences ne doivent cependant pas être niées, «il faut les respecter». La protestante considère qu’il faut «plutôt se concentrer sur ce qui nous unit». Le trio protestant assure qu’il ira communier sans hésitation à Palexpo. Marlyse ne voit pas pourquoi «les chrétiens ne prendraient pas le pain ensemble».
Et c’est effectivement ce que fait l’équipe œcuménique après avoir changé de train à Lausanne, sauf que le pain en question est agrémenté de jambon et qu’il sert de repas de midi. La discussion sur la communion continue à cette occasion. Et tous trouvent que «l’hospitalité eucharistique» devrait être une évidence. Elle est d’ailleurs régulièrement pratiquée dans l’abbatiale de Romainmôtier. «Quand le Christ donnait à manger à la foule, il ne demandait pas qui y a droit», renchérit Jean-Yves Savoy.
Pour Sœur Madeleine, religieuse protestante de St-Loup, ce n’est pas la confession, mais «la personne» qui est importante.
Le voyage à Palexpo était une évidence pour les deux catholiques du groupe. Tous deux ont beaucoup d’admiration pour ce pape qui «donne un souffle» à l’Eglise. Sœur Gisèle, clarisse de Jongny, près de Vevey, est heureuse de le voir pour la première fois en chair et en os. «Ce que j’aime chez ce pape, c’est son côté terre à terre, proche des gens. Il ne fait pas de discours auxquels on ne comprend rien».
Mais les trois protestantes n’auraient non plus manqué pour rien au monde ce rendez-vous. «Car ce pape est également très populaire chez nous», assurent-elles. Marlyse apprécie principalement son ouverture, en particulier aux pauvres, et sa capacité à «casser le protocole».
Suzanne, qui travaille comme bénévole au centre pour requérants d’asile de Vallorbe (VD), est surtout touchée par son attention envers les réfugiés. «Son appel à aller vers les périphéries, à sortir de ‘notre bulle’, me semble particulièrement pertinent pour notre époque.»
Pour Sœur Madeleine, le pape François a un seul défaut: son grand âge, qui l’empêchera trop tôt de poursuivre sa mission bienfaitrice.
A l’arrivée à Genève-aéroport, les soutanes et les habits religieux se mêlent aux drapeaux de divers pays dans un joyeux brouhaha. Surpris par des contrôles de sécurité plutôt rapides, le groupe œcuménique rejoint l’intérieur de Palexpo vers 13h. L’immensité du lieu impressionne.
Seulement les premières rangées de chaises sont pour l’instant occupées, mais la salle se remplit progressivement. Marlyse, Suzanne, Sœur Gisèle, Sœur Madeleine et Jean-Yves décident de s’asseoir près de l’allée centrale, avec l’espoir de mieux voir le pape quand il passera dans la salle. Commence alors la longue attente, ponctuée de discussions et de rires, d’interventions de Mgr Alain de Raemy, évêque auxiliaire de Lausanne, Genève et Fribourg, et d’élans de ferveur spontanés des fidèles.
La tension augmente jusqu’au moment où le pontife arrive dans la salle, dans sa «papamobile» miniature. La foule exulte et se presse contre les barrières pour le saluer. Il ne passe malheureusement pas devant le groupe œcuménique, qui s’était finalement mis au mauvais endroit.
L’ambiance électrique s’apaise dès que la messe commence. Les yeux rivés sur le pontife, le petit groupe interconfessionnel ne rate pas une miette de l’homélie du pape. Lors de l’eucharistie, la délégation oecuménique a la bonne surprise de recevoir l’hostie des mains du curé d’Orbe, un habitué de la Fraternité de Romainmôtier.
La cérémonie terminée, la foule se déplace calmement et joyeusement vers les sorties de Palexpo. L’attente est longue, alors que les presque 40’000 personnes forment des embouteillages au niveau des portes. L’occasion de faire le «débriefing» de la messe, que tous ont trouvé très belle et très émouvante. Certains regrettent pourtant de ne pas avoir pu saisir l’entier de l’homélie. Celle-ci étant en italien et le sous-titrage sur les écrans trop petit et trop lointain. Suzanne, qui comprend un peu l’italien, a apprécié l’appel du pape à la simplicité et à la distanciation de nos distractions quotidiennes, notamment technologiques.
Marlyse veut surtout retenir de l’événement ce «magnifique rassemblement de chrétiens». Même écho du côté de Sœur Madeleine, qui trouve que «l’important c’était d’être ensemble». La religieuse protestante se réjouit d’avoir eu, lors de cet événement, «la perception d’une Eglise commune».
A l’heure de monter dans le train du retour, le groupe a la mauvaise surprise de constater que le trafic est interrompu entre Genève et Lausanne. Les temps d’attente qui ont émaillés la journée ne sont donc pas terminés. Un moment propice pour méditer les leçons de la journée? «Cette visite était avant tout un signe, relève Jean-Yves Savoy, un signe important». «Mais maintenant, je pense que le temps est à l’assimilation de tout cela. Il faut réfléchir ensemble et voir comment concrétiser ce nouvel élan de fraternité». (cath.ch/rz)
La Fraternité œcuménique de Romainmôtier
Depuis 2003, catholiques et protestants prient tous les jours ensemble à l’abbatiale de Romainmôtier pour l’unité des chrétiens. Pour les 26 membres de la Fraternité, la prière commune est la première condition du rapprochement entre les confessions.
Romainmôtier est ainsi un haut lieu de l’oecuménisme romand. Dans sa composition actuelle, la Fraternité Oecuménique de Prière s’inscrit dans une expérience de plus de 20 ans de Communauté fraternelle entre deux sœurs protestantes (de Saint-Loup) et deux sœurs catholiques. Elle reçoit depuis 2006 sa mission conjointement du Conseil synodal de l’Eglise évangélique réformée et du vicariat épiscopal de l’Eglise catholique. Inspirée de la Charte œcuménique européenne, la charte dont elle s’est dotée est centrée sur la prière pour l’unité des chrétiens.
Le groupe organise aussi des retraites et des conférences sur des thèmes touchant à la foi. RZ
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/protestants-et-catholiques-main-dans-la-main-a-la-messe-du-pape/