Felicita Marockinaite cheffe architecte du comité d’organisation de la messe du 21 juin a souhaité avec cette option mettre en avant le rite catholique et la personne du pape. Un autre élément a joué un rôle clé: la brièveté des délais. La décision du pape de venir à Genève a été décidée en février, mais officialisée que fin mars.
Le flou entourant le programme papal dans la cité de Calvin s’est dissipé au début du mois d’avril. Le projet concret a donc débuté vers le 15 avril avec la première rencontre de l’équipe du Saint-Siège. Le comité a eu deux mois pour mettre sur pied la messe et toute la logistique qui l’accompagne. Pas le temps donc d’imaginer moult décorations complexes pour habiller le chœur et l’»église» d’un après-midi.
«Le Vatican fournit le plan de base avec des impératifs très précis: mensurations de l’autel, de l’ambon et du siège du pontife ainsi que les distances exactes séparant les meubles entre eux et du bord de la scène», précise Felicita Marockinaite. Chaque élément a une place précise au centre d’une vaste scène de 960 m2. «Question d’esthétique mais aussi pratique: les espaces ainsi définis facilitent les déplacements autour de l’autel pendant la célébration».
L’autel mesure 3 m de longueur, 1 m de hauteur et autant de profondeur. Le siège du pape respecte les normes imposées par le Saint-Siège avec un dossier de 1,5 m de hauteur et l’ambon d’1,4 m de hauteur et seulement 60 cm de profondeur. Des dimensions raisonnables qui répondent à des normes de visibilité, notamment lorsque la messe est retransmise à la télévision. Ces trois meubles sont surélevés.
Les meubles sont assemblés avec des panneaux de bois en stratifié et laqués en blanc. La même sobriété a prévalu pour les ornements. La croix fixée à l’ambon rappelle par sa forme le pectoral de François et l’autel est frappé du symbole jésuite «IHS» (Jésus-Christ sauveur) que l’on trouve sur le blason pontifical. Deux éléments qui seront laqués en or.
Pour le reste, l’architecte a eu carte blanche pour concevoir la décoration. La Lituanienne s’est inspirée de la Genèse pour les couleurs symbolisant les éléments naturels. Une moquette bleue posée dans le chœur suggère l’eau. A droite de l’autel, des oliviers symbolisent le jardin de Gethsemani et celui du paradis perdu, explique l’architecte. De véritables oliviers borderont les côtés de la scène. «La terre, symbolisée par les montagnes, est représentée par le panorama des sommets enneigés. On y reconnaît le Mont Blanc. Le projet a fait la navette entre Genève et le Saint-Siège. «Moyennant quelques arrangements, toutes nos idées ont été validées sans difficulté. Le Saint-Siège a apprécié notre travail».
Le blanc et les couleurs pastel dominent. Ce choix permet en effet d’éviter la lourdeur. Felicita rappelle l’aspect industriel de la halle d’exposition et une immense surface à habiller: 170 m de largeur sur 18 m de hauteur. «Je n’ai pas voulu installer quelque chose de trop personnel ni de trop criard. Les fidèles doivent se sentir apaisés avec ces nuances de couleur et ce blanc». Elle souhaite que l’environnement incite au recueillement. «Nous ne sommes pas au spectacle».
Elle a mené le projet de la conception de l’installation mais toujours intéressées par des suggestions, elle n’a pas hésité à solliciter ses collègues du bureau d’architecte où elle travaille.
Et le crucifix? Il ne sera pas posé à côté de l’autel mais découpé dans l’habillage mural. Un rétro éclairage led habilement dissimulé le matérialisera. L’architecte évoque le temps d’après Pâques et la lumière de la résurrection, Une notion de pureté a prévalu à la création, d’autant que le mode d’illumination évitera toute ombre.
En tant qu’architecte en chef du comité d’organisation, mise à part la sécurité, elle supervise toute la logistique de la messe. «Je gère les équipes son, lumière, l’architecture du lieu. En plus de la conception de la scène, ce travail englobe la répartition des fidèles dans les 27 secteurs délimités dans la halle, en tenant compte de la fluidité des déplacements d’une telle foule». Il a fallu aussi penser à installer la sacristie et un espace pour les journalistes qui viendront couvrir l’événement.
Au fil des jours, les plans ont évolué au gré des demandes et des groupes de fidèles annoncés, notamment les malades et les handicapés qui seront placés devant. «En fait on joue aux ‘légos’ avec ces secteurs».
L’architecte évoque le travail de coordination avec les équipes de la télévision pour peaufiner les moindres détails de la retransmission. «Ils se sont adaptés à la structure mise en place».
La jeune femme raconte son projet de bonne grâce, malgré la fatigue dont elle ne fait pas mystère. Les nuits sont très courtes. Le téléphone ne cesse de vibrer. «Deux mois pour tout mettre en place, croyez-moi, c’est court! Parfois je m’arrête et j’essaye de réaliser ce que nous préparons avec les équipes du comité. Organiser la messe du pape… ça n’arrive qu’une fois dans la vie!». Elle veut garder la tête froide: la mission avant tout. «Je goûterai les fruits de ce 21 juin à la fin de cette journée». (cath.ch/bh)
Un autel sans prix
«Quand on peut aider, il faut le faire!» lance Pierre-Vincent Erbeia, le menuisier qui a fabriqué l’autel, l’ambon et le siège du pape. Il a offert la prestation au comité. Impossible de chiffrer le coût de la construction du mobilier, «d’autant, ajoute-t-il, que les fournisseurs ont joué le jeu». Certains ont fait cadeau des matériaux, d’autres ont consenti un rabais».
Après la messe, l’artisan a décidé d’offrir l’autel à la Fraternité Eucharistein qui a fourni la nappe qui couvrira le meuble. Les membres de la communauté ont prévu de l’utiliser dans la chapelle des jeunes de l’école catholique du Chablais, actuellement en projet. BH
Bernard Hallet
Portail catholique suisse
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