Genève: le pape François au COE sur les traces de Paul VI et de Jean Paul II         

Le pape François se rendra le 21 juin au Conseil œcuménique des Eglises à Genève, pour les 70 ans de l’institution. Troisième pontife à s’y rendre, il étayera sa vision de l’unité des chrétiens, dans la lignée de ses prédécesseurs mais avec aussi des accents particuliers.

Au cours de son septième voyage, premier pape à s’être rendu devant le COE, le 10 juin 1969, Paul VI avait tenu à rappeler la place et la mission particulière du chef de l’Eglise catholique. En tant que successeur de Pierre, ce dernier a reçu «un ministère de communion» qui vaut aussi pour toutes les confessions chrétiennes. Et cela implique de sa part, concrètement, «la compréhension, la collaboration, la fraternité et finalement la recomposition de l’unité».

Prendre la mesure de ce qui unit et de ce qui sépare

Le pontife d’alors aspirait à ce que l’Esprit Saint guide «tous les chrétiens dans la recherche de l’unité que veut le Christ pour son Eglise une et unique», afin de refléter «l’union du Père et du Fils».

Livrant le fond de son cœur, le bienheureux pape, futur canonisé, constatait que son âme était partagée par une «tension». D’un côté, l’humilité et le regret des divisions entre disciples du Christ. De l’autre, l’espérance du «rétablissement de l’unité» comme l’aurore «d’un jour futur et attendu depuis des siècles».

Lors de cette première visite d’un pape au Conseil œcuménique des Eglises, créé en 1948, Paul VI avait aussi expliqué pourquoi l’Eglise catholique n’y adhérait pas. «En toute franchise fraternelle, indiquait-il, Nous ne considérons pas que la question (…) soit mûre (…). Elle comporte de graves implications théologiques et pastorales; elle exige par conséquent des études approfondies, et engage dans un cheminement dont l’honnêteté oblige à reconnaître qu’il pourrait être long et difficile».

Le même jour, et malgré des manifestations s’opposant à sa venue, le pape évoquait son souhait d’un «sain œcuménisme». Esprit qu’il définit comme un climat de sérénité et d’estime mutuelle, et qui permet selon lui de prendre «la mesure de ce qui nous unit et de ce qui nous sépare encore».

Mouvement «irréversible»

En 1984, le climat a changé. Pas d’hostilité publique lors de la visite de Jean Paul II, le 12 juin au Conseil œcuménique. Le pape polonais déclare que sa simple venue, en tant «qu’évêque de Rome» est un «signe de cette volonté d’unité», et que le mouvement œcuménique est «irréversible», ainsi que l’exprime le nouveau code de droit canon (1983).

Selon lui, l’Eglise catholique est le «pôle visible et le garant de l’unité», car elle demeure dans la «fidélité à la tradition apostolique et à la foi des Pères». Et ce principe s’incarne «dans le ministère de l’évêque de Rome», qui préside à la charité comme le disait saint Ignace d’Antioche. Ainsi, poursuivait Jean Paul II, être en «communion avec l’évêque de Rome, c’est attester visiblement que l’on est en communion avec tous ceux et toutes celles qui confessent cette même foi».

Reconnaissant la longue histoire commune, faite de «pénibles souvenirs de séparations dramatiques et de polémiques réciproques», le pape Wojtyla appelait aussi à dépasser ces contentieux. Notamment en dessinant les enjeux pour lesquels les chrétiens doivent élever ensemble la voix: liberté de conscience et de culte, défense de la dignité de l’homme et du sens plénier de la vie.

Du sain œcuménisme à «l’œcuménisme du sang» du pape François

D’après le cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, le pape François privilégie quant à lui «un œcuménisme de la rencontre», de la charité, de la fraternité et de l’amitié», affirmait-il dans L’Osservatore Romano du 21 janvier 2016. Une collaboration entre chrétiens qui se fonde également sur des sujets concrets: sauvegarde de la Création, défense de la liberté religieuse, promotion de la paix et de la justice sociale, ainsi que protection de l’institution du mariage et de la famille.

Avec, en contrepoint, une certaine défiance vis-à-vis de la recherche théologique de l’unité. Devant l’Eglise anglicane de Rome, le 26 février 2017, le pape argentin avait ainsi rappelé une anecdote du patriarche Athénagoras à Paul VI: «Nous, nous faisons l’unité, et tous les théologiens, mettons-les sur une île pour qu’ils pensent». Le 30 mai dernier, le pontife avait encore parlé de l’œcuménisme qui se fait «en marchant».

Ces derniers temps, le pape François a cependant nuancé sa pensée, en particulier après le vif débat en Allemagne sur l’intercommunion entre protestants et catholiques. Estimant notamment le 4 juin dernier, devant une délégation de l’Eglise évangélique luthérienne, que certains points du dialogue œcuménique – dont l’eucharistie – nécessitaient du temps, de la patience, et une réflexion poussée.

Mais l’actuel successeur de Pierre s’est aussi, à de nombreuses reprises, fait l’écho de «l’œcuménisme du sang» qui caractérise l’époque de la troisième guerre mondiale «par morceaux». Plaidant que le sang des martyrs ne fait pas de distinction selon que l’on soit protestant, catholique ou orthodoxe. «Si l’ennemi nous unit dans la mort, qui sommes-nous pour nous diviser dans la vie ?»,  avait-il ainsi affirmé en juillet 2015. (cath.ch/imedia/acp/ap/rz)

Raphaël Zbinden

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