Le Vatican veut redonner au sport ses lettres de noblesse

A  l’approche de la Coupe du monde de football, qui débute le 14 juin prochain en Russie, le Vatican veut redonner au sport ses lettres de noblesse. Une réflexion sur le sport a été rendue publique le 1er juin 2018 par le Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie. Elle vise à promouvoir non pas «un sport chrétien, mais une vision chrétienne du sport».

Intitulée ›Donner le meilleur de soi-même’, ce document de 32 pages entend donner une «vision positive» du sport. Mais il s’inquiète aussi des menaces qui pèsent sur le système sportif: corruption, dopage, exploitation commerciale, entre autres.

Pas «un sport chrétien»

D’où la nécessité de revenir à des «principes chers au sport antique et moderne»: c’est-à-dire à une expérience d’éducation et de promotion de l’être humain, à travers les différents sports.

Selon cette réflexion, il faut promouvoir non pas «un sport chrétien», mais «une façon de vivre le sport qui est fondée sur l’idée chrétienne de l’être humain et de la société». Et où il s›agit de donner le meilleur de soi-même, aspect fondamental du sport. Le christianisme n’est donc pas un label de qualité, une sorte d’étiquette juxtaposée, mais extérieure au sport. L’Eglise souhaite au contraire apporter toute sa «plénitude» à l’expérience sportive.

Une «religion laïque»

Le sport comporte aussi une dimension spirituelle, souligne le Dicastère, trop souvent ignorée aujourd’hui ou réduite à sa dimension psychologique. Le 3e chapitre propose ainsi une réflexion anthropologique sur l’unité de corps, d’âme, et d’esprit de la personne.

Il est d’ailleurs rappelé que Pierre de Coubertin, en créant les Jeux olympiques (1896), voulait recréer une «religion laïque», par la relance de l’antique idée grecque de noblesse et de beauté de l’humanité. Tout en reprenant du religieux dominicain Henri Didon, note cependant le document, la devise olympique – ›plus vite, plus haut, plus fort’.

Vérité fondamentale sur soi-même

Dans le sport, l’homme fait ainsi l’expérience «de la vérité fondamentale sur lui-même», poursuit le texte, et de la signification ultime de sa propre existence: être à l’image et à la ressemblance de Dieu. Avec également les limites et la finitude humaine: c’est pourquoi, dans une optique chrétienne, c’est la grâce divine qui restaure la joie et recrée la beauté de la créature.

Cela explique aussi pourquoi, selon ce document, «la vie chrétienne ressemble davantage à un marathon qu’à une course de vitesse». Référence explicite est faite à la phrase de saint Paul dans l’épître à Timothée : «j’ai combattu le bon combat, j’ai achevé la course, j’ai gardé la foi» (2 Tm, 4, 7).

Risque d’instrumentalisation idéologique

Fruit de la révolution industrielle et de la modernité dans sa conception actuelle, le sport plonge en réalité ses racines loin dans l’histoire, rappelle encore le texte. Il souligne au passage que le mot sport dérive d’une ancienne expression française, venue du latin: ›se desporter‘.

Tous les papes du 20e siècle depuis saint Pie X à François, en passant par Jean Paul II, ont relevé le «signe des temps» qu’est devenu le sport moderne. Un phénomène de masse, de portée planétaire et qui a pénétré toutes les cultures, et favorisé par l’avènement des mass-médias. Avec aussi, est-il indiqué, un risque d’instrumentalisation idéologique, comme ce fut le cas avec les régimes totalitaires du 20e siècle, communisme et nazisme.

Avant tout un jeu

Car le sport est avant tout un «jeu», dont saint Thomas d’Aquin a exalté la vertu. Un jeu codifié par des règles, et dont la finalité est en lui-même. Par exemple la perfection du geste technique, ou le dépassement d’un adversaire, avec une dimension ludique.

Au-delà du jeu, le sport doit être aussi mis au service de l»«²Ã©ducation et peut devenir «un gymnase de vie». Il permet de lutter contre l»«²individualisme ou la culture du déchet, en enseignant aux jeunes les vertus cardinales: courage, tempérance, prudence et justice. Mais aussi le sens du sacrifice, de la discipline.

Un moyen de «mission et de sanctification»

La pastorale sportive ne s’improvise pas, affirme enfin le Dicastère. Elle requiert des personnes préparées et motivées. L’établissement clair d’un apostolat dans le sport pourrait notamment passer la formation d»«²aumôniers ou de conseillers spirituels, pour aider les entraîneurs et les athlètes lors d»«²Ã©vénements sportifs internationaux.

Par ses valeurs et le dépassement de soi qu’il implique, le sport doit jouer un rôle dans l’évangélisation et la «sanctification», estime le pape François dans une lettre accompagnant la publication le 1er juin 2018 de ce document du Vatican sur l’Eglise et le sport. Pour le pontife, le sport est comparable à la recherche de la sainteté. Dans les deux cas, l’homme est appelé à «se dépasser», poussé par le désir de donner le meilleur de lui-même, titre du document du Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie.

Selon le pape François, le sportif est ainsi invité à remplir tous les aspects de sa vie avec cette recherche de la perfection. Le sport est alors une des voies pour parvenir «à cette plénitude de vie que nous appelons sainteté». Les chrétiens, rappelle le pape, doivent saisir toutes les occasions pour enseigner l’Evangile. Face à la joie que le sport peut susciter, ils peuvent faire découvrir que la beauté du «potentiel» humain vient de sa création à l’image et à la ressemblance de Dieu. En pratiquant le sport en équipe, en témoignant de cette joie, les chrétiens peuvent alors être «messagers de la Bonne Nouvelle».

«Une bonne charrue dans une terre fertile»

Les jeunes générations, relève l’évêque de Rome, sont particulièrement inspirées par les sportifs. Ainsi, le sport peut être une «bonne charrue dans une terre fertile» pour transmettre un certain nombre de valeurs, comme la générosité, la constance, le sacrifice ou encore la solidarité. Les sportifs – «quelques que soient leur âge ou leur niveau» – sont donc appelés à être des exemples.

Le sport est aussi un des rares lieux qui permet d’unir des personnes de différentes origines et conditions. Il est donc un environnement privilégié de rencontre, et permet de faire l’expérience de la «famille humaine». En rassemblant des personnes autour d’un objectif commun, le sport devient véritablement un lieu d’union, se réjouit le pape François. (cath.ch/imedia/ap/pad/xln/be)

Jacques Berset

Portail catholique suisse

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