Cet appel à voir l’humain dans tout homme, quelle que soit son appartenance nationale ou religieuse, Roberto Simona l’a lancé lors du débat organisé par AED au centre culturel et de congrès ZWEI RABEN d’Einsiedeln, en présence de plus de 400 auditeurs attentifs. Sur la scène, les invités d’AED – venu de Rome, le cardinal allemand Gerhard Ludwig Müller, ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, le Zougois Gerhard Pfister, président du parti démocrate-chrétien suisse (PDC), et Mgr Felix Gmür, évêque du diocèse de Bâle – ont partagé la conviction que la défense de la dignité humaine était essentielle.
Saluant l’initiative d’AED et reconnaissant que des chrétiens sont effectivement persécutés dans le monde pour le seul motif de leurs convictions religieuses, le président du PDC a dit sa conviction que la Suisse devrait se soucier davantage de ces frères dans la foi. Et de relever qu’un homme politique est lié au respect de l’Etat de droit. Mais il peut réagir à cette situation en garantissant l’asile à tous ceux qui sont persécutés pour leur foi, et «pas seulement les chrétiens».
Pour Gerhard Pfister, il faut également chercher les raisons pour lesquelles les gens fuient leur pays. Abordant la question des ventes d’armes à des pays qui ne respectent pas les droits de l’homme, il a rappelé le dilemme qui se pose en termes éthiques, les principes moraux, la défense des emplois, la «realpolitik»: «on doit certes soutenir nos entreprises, mais en ce qui concerne l’exportation d’armes vers l’Arabie Saoudite, j’ai de profonds doutes…»
L’Eglise, qui n’est pas aux commandes de la politique, peut cependant faire beaucoup de choses, notamment dans le domaine de l’aide aux personnes, en mettant en place des services sociaux, en construisant des hôpitaux, en développant le système scolaire, mais surtout en donnant des perspectives aux populations en détresse. Et cela passe notamment par l’éducation aux valeurs, dans les écoles, la formation professionnelle, a déclaré pour sa part Mgr Felix Gmür.
Tout comme le président du PDC, l’évêque de Bâle a salué le fait que les chrétiens en Suisse, contrairement à une grande partie du monde, vivent leur foi librement, «même si parfois on se moque de nous» dans la rue ou dans les médias. Mgr Felix est par contre en contact direct avec des réfugiés qui sont réellement persécutés en raison de leur appartenance religieuse ou de leurs idées, et cela est «une véritable catastrophe».
Sur un ton plus pessimiste, le cardinal Müller a dénoncé le «tsunami antichrétien» qui déferle sur l’Europe, les organisations laïcistes qui militent pour l’athéisme, propageant une «culture de la mort». Et d’estimer que les racines de cette idéologie remontent aux temps de la Révolution française, aux batailles culturelles anticléricales du XIXe siècle (le Kulturkampf), ou encore aux dictatures athées, le nazisme en Allemagne, le communisme en Union Soviétique, en Albanie ou en Corée du Nord.
L’ancien évêque de Ratisbonne a profondément regretté le résultat du vote du vendredi précédent en Irlande qui a balayé à plus de 66 % l’interdiction constitutionnelle de l’avortement, et cela dans un pays historiquement catholique. Le cardinal Müller a déploré que désormais une mère puisse tuer son propre enfant. Il avait déjà dénoncé auparavant cette décision des citoyens irlandais durant la messe qu’il a présidée en fin de matinée dans l’abbatiale baroque dédiée à Notre-Dame des Ermites, remplie de fidèles jusqu’aux derniers rangs.
Le traditionnel pèlerinage annuel des amis et bienfaiteurs de la section suisse d’AED à Einsiedeln était centré cette année sur la reconstruction des habitations des chrétiens irakiens de la Plaine de Ninive chassés par les terroristes de Daech, l’Etat islamique.
Lors de la messe, Lucia Wicki et Ivo Schürmann, d’AED, ont fait mémoire des martyrs chrétiens qui ont perdu la vie l’an passé, en allumant des cierges portant leurs noms. Eunice Olawale, au Nigéria, une mère de famille de 42 ans, a été assassinée par les islamistes de Boko Haram; le Père Miguel Contreras, un prêtre mexicain âgé de 33 ans, a été abattu durant la messe par le crime organisé à Tlajomulco, pour avoir dénoncé les narcotrafiquants; Zeeshan Masih, 14 ans, travaillant dans les mines, a été retrouvé pendu à un arbre, et comme il était chrétien, la police pakistanaise n’a pas mené d’enquête pour retrouver ses agresseurs. Dans le désert du Sinaï, 8 personnes ont été exécutées par les terroristes de Daech sur un marché, uniquement parce qu’elles étaient chrétiennes et portaient une croix tatouée sur leur bras.
Ces témoignages de foi, ont indiqué les collaborateurs d’AED, nous rappellent que le sang des martyrs est la semence de nouveaux chrétiens, en rappel des paroles de Tertullien, figure emblématique de la communauté chrétienne de Carthage au 2-3e siècle. Le cardinal Müller a alors affirmé que «la foi est un don, et en témoigner est un droit!». (cath.ch/be)
Jacques Berset
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