Le propos du pape François à l’une des victimes chiliennes d’abus sexuels de la part d’un prêtre est «strictement confidentiel», a rappelé le Bureau de presse du Saint-Siège, rapporte l’agence I.MEDIA à Rome le 22 mai 2018.
Reçu par le pontife fin avril à Rome, Juan Carlos Cruz est une des trois victimes d’abus commis par le Père chilien Fernando Karadima. Selon lui, certains évêques chiliens ont tenté de décrédibiliser ses propos en raison de son homosexualité.
Dans son commentaire à la presse de sa rencontre avec le pape, le 2 mai, Juan Carlos Cruz avait affirmé que le pape était «sincère, attentif et profondément désolé de cette situation [des abus sexuels]». «J’ai senti aussi qu’il était blessé, il a dit: ›je faisais partie du problème, j’ai causé cela et je demande pardon», avait-il encore déclaré.
Dans un entretien du 19 mai avec le quotidien espagnol El País, Juan Carlos Cruz a confirmé, en réponse à une question, que le pape et lui avaient parlé de son homosexualité, expliquant aussi que le pontife cherche à ne blesser personne. «Juan Carlos, que tu sois gay n’importe pas. Dieu t’a fait ainsi, et Il t’aime ainsi et moi ça ne m’importe pas. Le pape t’aime ainsi, tu dois être heureux avec ce que tu es», aurait ainsi déclaré le pape François.
Contactée par I.MEDIA le 22 mai, le Bureau de presse du Saint-Siège se refuse à tout commentaire, soulignant le caractère «strictement confidentiel» des échanges entre le pape François et les victimes chiliennes.
«Le niveau de discrétion de ce type d’échange, déclare-t-on au Bureau de presse, est comparable à celui d’une confession». Il en découle aussi que les propos d’une personne sortant de confession ne «peuvent remplacer celle de son propre confesseur».
Le 30 avril dernier, Greg Burke, directeur de la Salle de presse du Saint-Siège, avait prévenu que le pape ne ferait aucune déclaration sur ses rencontres avec les victimes. La priorité du pontife, avait-il expliqué, est «d’écouter les victimes, de leur demander pardon et de respecter la confidentialité des échanges».
Mais la déclaration de Juan Carlos Cruz a soulevé la controverse. Pour un avocat de la communauté LGBT, il s’agit d’un nouveau signe «formidable» du pape François, a rapporté l’agence de presse américaine AP. «Ce serait encore mieux s’il avait fait ces déclarations publiquement», a ajouté Francis DeBernardo.
A l’inverse, d’autres commentateurs y voient une simple attitude pastorale, qui ne change en rien la doctrine. «Ce que le pape voulait dire est en fait que ›Dieu vous aime et vous a fait comme vous êtes, donc vous devez vous accepter vous-même tout en luttant pour vivre en accord avec l’Evangile», a affirmé à AP le Père Robert Gahl, théologien à l’Université pontificale de la Sainte-Croix.
Le pape François avait déjà abordé la question de l’homosexualité en juillet 2013, dans l’avion du retour des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) au Brésil. «Je crois que lorsqu’on se trouve avec une telle personne on doit distinguer le fait d’être ›gay’, du fait de faire un lobby», avait-il déclaré. Puis il avait poursuivi: «Si une personne est gay et cherche le Seigneur, fait preuve de bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? Le Catéchisme de l’Eglise catholique l’explique de manière très belle. (…) Le problème n’est pas d’avoir cette tendance (…) [mais] de faire de cette tendance un lobby».
Le Catéchisme de l’Eglise catholique considère que la «genèse psychique» de l’homosexualité reste largement «inexpliquée» (article 2357), mais que les actes homosexuels sont «intrinsèquement désordonnés» car «contraires à la loi naturelle» et qu’ils «ferment l’acte sexuel au don de la vie».
L’article 2358 poursuit en affirmant que ces personnes «doivent être accueillies avec respect, compassion et délicatesse», en évitant toute marque de «discrimination injuste». «Ces personnes sont appelées à réaliser la volonté de Dieu dans leur vie, et si elles sont chrétiennes, à unir au sacrifice de la croix du Seigneur les difficultés qu’elles peuvent rencontrer du fait de leur condition».
Le 19 septembre suivant, dans un entretien au Père Antonio Spadaro, directeur de la revue jésuite Civiltà Cattolica, le pape François avait précisé sa pensée: «Si une personne homosexuelle est de bonne volonté et est à la recherche de Dieu, moi je ne suis personne pour la juger. (…) Dans la vie, Dieu accompagne les personnes et nous, nous devons les accompagner à partir de leur condition. Il faut accompagner avec miséricorde». (cath.ch/imedia/ap/ah/xln/be)
Jacques Berset
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