Au cours d’une conférence de presse à Rome, deux évêques chiliens, Mgr Ramos et Mgr Juan Ignacio González, ont lu un communiqué au nom des 34 évêques du pays. Afin de remettre entre les mains du pape leur charge épiscopale et de demander pardon aux victimes.
Selon Mgr Ramos, cette idée a mûri au cours des trois jours de réunion avec le pontife, «dans un contexte de dialogue et de discernement». La réflexion a ainsi abouti à la conclusion, écrite, qu’il convenait de déclarer leur «absolue disponibilité» au pape en lui remettant leurs charges pastorales. Et faire ainsi, a poursuivi le prélat, «un geste collégial et solidaire, pour assumer – non sans douleur – les faits graves» en matière d’abus sexuels.
Après son voyage au Chili en janvier dernier, marqué par une contestation de l’Eglise chilienne et du pape lui-même sur la gestion des abus sexuels, le pape François avait ordonné une nouvelle enquête, réalisée par Mgr Charles Scicluna. Celui-ci avait rendu un rapport de 2’300 pages. Le pape avait aussi reçu trois victimes fin avril, avant de convoquer les évêques chiliens à Rome, du 15 au 17 mai.
Au premier jour de cette réunion, a rapporté Mgr Ramos, le pontife a lu et exposé ses propres conclusions et réflexions. Sa déclaration a indiqué avec clarté «une série de faits totalement répréhensibles» et qui concernent des «inacceptables abus de pouvoir, de conscience et sexuels» au sein de l’Eglise au Chili.
Le 8 avril, une lettre du pape aux prélats chiliens avait mentionné des récits «crus, sans additifs ni édulcorants, de nombreuses vies crucifiées» par les abus commis par des membres du clergé. Il avait également déploré avoir commis lui-même de «graves erreurs d’évaluation et de perception de la situation» à cause d’un «manque d’information vraie et équilibrée».
Ces faits concernent en particulier, mais pas exclusivement, le Père Fernando Karadima, vicaire de paroisse à Santiago dans les années 1970. Les premières dénonciations contre lui remontent à 2003, sans qu’il n’y ait d’enquête canonique avant 2007. En 2010, la Congrégation pour la doctrine de la foi déclare Fernando Karadima coupable et le renvoie de l’état clérical.
En complément, Mgr González a indiqué que le pape avait désormais la possibilité soit d’accepter «immédiatement» la démission de chaque évêque, soit de la rejeter et donc de le confirmer dans sa charge. Ou encore de l’accepter mais de la rendre effective au moment du rendez-vous avec le nouvel évêque. Mgr González, membre du comité permanent de la conférence épiscopale, a également remercié la presse pour son «service de la vérité».
Il existe un précédent historique à la démission de tout un corps épiscopal: celui de 1801, après la Révolution française. Le clergé français est alors divisé entre ceux qui ont prêté serment à la Constitution civile du clergé et les réfractaires, y compris parmi les évêques. Napoléon Bonaparte tente alors de régler la question en exigeant du pape Pie VII le bref Tam multa, par lequel tous les évêques remettent leur démission.
Plus récemment, sur la question des abus sexuels, le pape Benoît XVI avait adressé en mars 2010 une lettre inédite dans l’histoire de l’Eglise, suite à la révélation de milliers de cas d’abus sexuels commis par le clergé irlandais, Se disant «bouleversé», il avait alors évoqué des actes criminels dont les auteurs devraient en «répondre devant Dieu et les tribunaux». (cath.ch/imedia/ap/ah/bh)
Bernard Hallet
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