«Pour l’instant, la Garde n’a aucune difficulté à trouver du sang neuf, souligne Bernhard Messmer. Depuis 2012, la troupe a toujours pu être au complet». Il est le fondateur de la firme Messmer Personalmanagement GmbH, basée à Glaris, qui est responsable du recrutement de la Garde Suisse. Cela de façon «exclusive», précise le site web de l’entreprise.
L’ancien garde s’attend toutefois à ce que la situation change. «D’une manière un peu provocatrice, j’affirme que nous avons des années difficiles devant nous.» Il relève notamment que le taux de natalité en Suisse a chuté massivement entre 1995 et 2005. La courbe a marqué un net creux en 2005. Le chef d’entreprise âgé de 56 ans considère que cette baisse des naissances constitue l’une des principales causes des difficultés de recrutement à venir. Selon les statistiques, la situation deviendra particulièrement problématique entre 2020 et 2025, voire même avant.
«Les anciens Gardes sont généralement des employés loyaux, fiables et fidèles»
Un autre facteur est lié au développement économique. «Quand l’économie va mal, il est plus facile de trouver des candidats «, explique Bernhard Messmer. Il cite le cas récent d’un apprenti intéressé par la Garde, mais auquel des employeurs ont fait une offre avantageuse, avec laquelle il n’a pas pu rivaliser.
Pour le recruteur, le contexte de l’armée a également une influence sur l’attractivité de la Garde suisse. Tout candidat doit en effet avoir terminé son école de recrue. Or, la génération Z (les jeunes nés après 1995), qui compose la majorité des recrues actuelles de l’armée suisse, a selon lui des «valeurs et des idées différentes» des précédentes. Ces jeunes mettraient notamment beaucoup d’importance dans l’équilibre entre le travail et les loisirs. «Les organisations militaires, comme la nôtre, ont perdu de leur attrait, souligne le Glaronais. Il y a aussi des tâches au sein du corps d’armée qui ne sont pas attrayantes, comme monter la garde».
Il n’a jamais connu de personnes intéressées qui auraient hésité à intégrer la Garde à cause d’expériences négatives à l’armée. Il arrive cependant que les candidats se renseignent sur le type de discipline, le «ton» qui a cours au sein de la plus petite armée du monde. Celui-ci est, selon Bernhard Messmer, différent de celui utilisé dans l’armée suisse. «Nous sommes certes également une organisation militaire et hiérarchique, mais nous avons une culture différente. Dans l’armée, il arrive que les personnes crient à tout-va», mais pas ici.
Mais la Garde ne recherche pas que de jeunes hommes suisses ayant des affinités avec l’armée. L’un des critères est de participer activement à la vie de l’Eglise. La sécularisation de la société est-elle ainsi un obstacle pour la Garde suisse? «Le nombre de catholiques pratiquants tend à diminuer. C’est une certitude», admet Bernhard Messmer. Le service de recrutement indique cependant très clairement que la foi est un critère majeur. «Nous vivons activement notre foi et allons à la messe tous les dimanches. Tout le monde est concerné. Cet aspect n’est pas négociable».
Le défi est ainsi de trouver des candidats qui représentent un «mélange raisonnable» entre ces diverses tendances. Les «traits de caractère très marqués» ne sont pas prisés. «Nous ne sommes pas un séminaire. Notre mission n’est pas de proclamer la foi», souligne Bernhard Messmer. A l’autre extrême, nous ne voulons pas de purs guerriers, qui «peuvent tirer dans n’importe quelle position», mais n’ont aucune compétence spirituelle.
Le recruteur relève les avantages d’un passage dans la Garde pour la carrière professionnelle, en particulier dans les filières liées à la sécurité. Mais il insiste avant tout sur le fait que «la Garde suisse est l’une des meilleures écoles de vie.» L’expert en ressources humaines estime que, même si de nombreux jeunes possèdent de bonnes compétences professionnelles, ils sont à la traîne dans leur développement personnel. Une affectation dans la Garde leur offre la possibilité de bien progresser dans ce domaine, assure-t-il.
«Le monde entier vient à Rome. En tant que Garde, on peut participer à des événements auxquels on n’aurait jamais pu assister autrement», ajoute le Glaronais, qui a servi dans le corps d’armée pontifical de 1982 à 1984. «On apprend à s’ordonner soi-même, à se subordonner et à découvrir que l’on peut défendre une cause sans réserve». Une expérience qui façonne. Les anciens Gardes sont ainsi généralement des «employés loyaux, fiables et fidèles», assure-t-il. C’est, selon lui, leur principale «valeur ajoutée professionnelle».
Bernhard Messmer est bien conscient qu’en raison de l’évolution démographique et de la concurrence d’une économie florissante, la Garde a besoin d’augmenter sa visibilité dans l’espace public. Il note que la presse rend régulièrement compte de la prestation de serment, à Pâques et à Noël. La Garde est mise en avant, notamment à la télévision, également lors d’événements spéciaux comme les conclaves. Dans ces périodes, les demandes d’information auprès du service de recrutement augmentent sensiblement. Il note que la vidéo publicitaire sur la Garde, mise en ligne en janvier 2018, qui offre un aperçu du travail et de la vie des soldats, a également eu un effet positif.
L’habitant de Glaris reste prudent quant aux mesures supplémentaires qu’il compte prendre contre la pénurie imminente de personnel. Il a des idées, mais qu’il ne sait pas encore exactement comment mettre en œuvre.
Il révèle que le site web de la Garde suisse devrait être professionnalisé d’ici mi-2018. L’objectif est que le site soit optimisé pour la consultation sur plateformes mobiles et pour que l’échange d’informations puisse se faire en grande partie par voie électronique. A l’avenir, les candidats devraient être en mesure de remplir et d’envoyer leur dossier de candidature de cette façon. (cath.ch/kath/bal/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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