«Pendant longtemps, je n’arrivais tout simplement pas à comprendre pourquoi il avait rejoint la communauté, explique Zita Erffa dans une interview publiée le 17 avril 2018 sur le média en ligne Vice France. Je me sentais trahie – je pensais que nous avions tous les deux percé ces gens à jour, mais tout-à-coup, il est parti et s’est inscrit. J’ai détesté la congrégation pour ça.»
The Best Thing You Can Do With Your Life (Petruvski Films, 2018): bande annonce (de)
L’incompréhension de la réalisatrice pointe dès les premières secondes du documentaire. «Bienvenue dans le lieu où mon frère est enterré», annonce-t-elle en voix off. The Best Thing You Can Do With Your Life, qui figurait dans la sélection officielle du Festival du film de Berlin, suit le quotidien de László, fait de prière, d’étude et de travail.
La réalisatrice aborde le concret de cette vie religieuse dans un couvent américain du Connecticut et pose des questions simples. Notamment sur la manière d’assumer l’héritage du fondateur, le Père Marcial Maciel Degollado, reconnu coupable d’abus sexuels sur mineurs. Ou sur le vœu d’obéissance qui peut prendre la forme, chez les Légionnaires du Christ, d’un contrôle des lettres et des emails. «Je n’ai pas de secrets pour mon supérieur», confesse László.
Après des semaines de tournage, Zita Erffa reconnait encore ne pas comprendre le choix de son frère. «Mais pour la première fois depuis des années, j’ai pu parler normalement avec László, et il en a profité pour s’excuser de s’être enfui brusquement.»
Huit ans plus tôt, László avait rejoint les légionnaires du Christ après un camp d’été pour adolescents. Il avait 19 ans et avait tout juste fini son lycée. «Il me l’a dit au téléphone, se rappelle sa sœur. Il était déjà là-bas depuis trois jours. J’ai passé une demi-heure à lui crier dessus. On s’est reparlé pour la première fois un an plus tard, quand il a eu le droit de recevoir des visiteurs.»
La communauté a ouvert ses portes à la réalisatrice sans sourciller. «Je pense qu’ils étaient conscients de leur mauvaise réputation et voulaient arranger ça. Ils ont peut-être vu mon film comme une façon d’ouvrir leurs portes au monde et de montrer que rien d’extraordinaire ne se passait à l’intérieur. Ça a vraiment aidé. J’ai fini par comprendre qu’au moins, il est content, ce qui est rassurant». (cath.ch/vice/pp)
L’héritage sulfureux du Père Maciel
Le prêtre mexicain Marcial Maciel Degollado (1920-2008), fondateur des Légionnaires du Christ, avait été accusé dès le milieu des années 1980 d’abus sexuels sur mineurs accomplis entre 1940 et 1960. Le fondateur de la florissante congrégation des Légionnaires du Christ, longtemps protégé par Jean-Paul II et son entourage, a également caché par la suite l’existence de plusieurs enfants, dont certains l’ont également accusé d’abus. En outre, il a été accusé de consommation de drogue, de trafics divers et d’abus de pouvoir. La révélation publique de ces abus gravissimes avait suscité une profonde crise au sein de la congrégation provoquant de nombreux départs.
En mai 2006, Benoît XVI lui avait demandé de renoncer à tout ministère public. Le père Maciel est décédé le 30 janvier 2008 aux Etats-Unis, à l’âge de 87 ans. L’année suivante, en juillet 2009, le pape a lancé une visite apostolique au sein de la congrégation, menée par cinq évêques jusqu’à mars 2010. Benoît XVI a ensuite chargé le cardinal Velasio De Paolis, alors président de la préfecture des Affaires économiques du Saint-Siège, de mener une «profonde révision» de la congrégation. C’est lui qui avait convoqué un chapitre général extraordinaire en janvier et février 2014, notamment chargé d’élire de nouveaux supérieurs et de rédiger de nouvelles constitutions.
Les nouvelles constitutions de la communauté ont été reconnues par l’Eglise le 1er novembre 2014, huit ans après la mise à l’écart du Père Maciel (1920-2008). Un processus de renouvellement et de purification, selon le père Benjamin Clariond, responsable de la communication. De nombreux détails et spécificités ont été éliminés. L’ancienne règle de la congrégation interdisait par exemple toute remarque négative à l’égard du fondateur et des supérieurs. Les religieux sont en outre appelés à une obéissance qui ne soit «jamais aveugle».
Pierre Pistoletti
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