Ils se demandent pourquoi les Etats-Unis – suivis par la Grande-Bretagne et la France – ont bombardé la Syrie sans mandat de l’ONU et sans attendre les résultats de l’enquête de l’OIAC.
«Nous savions que les Etats-Unis avaient l’intention de bombarder après l’attaque chimique présumée sur le Ghouta orientale, mais l’espoir était qu’il y aurait d’abord une enquête objective sur l’utilisation d’armes chimiques et qu’il n’y aurait pas de tirs de missiles avant d’avoir les résultats», affirme le Père Bahjat Elia Karakach, curé de la paroisse de la Conversion de Saint Paul, dans le quartier de Bab Touma, à Damas. Le quartier chrétien avait été visé en début d’années par les roquettes des groupes djihadistes retranchés dans la Ghouta.
Sur le site du service d’information religieuse italienne SIR, le franciscain de la Custodie de Terre Sainte déplore le fait que «la volonté est de détruire la Syrie». Et de relever que les Occidentaux, Etats-Unis et Grande-Bretagne en tête, avaient attaqué l’Irak en 2003 sous prétexte que le régime de Saddam Hussein possédait des armes de destruction massive, «des armes qui n’ont jamais été retrouvées».
«La volonté est de détruire la Syrie. Le projet va de l’avant avec ces bombes. Il ne nous reste plus qu’à prier pour la paix maintenant plus que jamais».
«Avec ces missiles, ils ont jeté le masque», lance pour sa part Mgr Georges Abou Khazen, vicaire apostolique des catholiques de rite latin. «Avant, c’était une guerre par procuration. Aujourd’hui, ce sont les principaux acteurs qui se battent. Cela fait sept années, la huitième a commencé, que l’on se bat sur le sol syrien et maintenant que les acteurs mineurs ont été vaincus, les véritables protagonistes du conflit sont descendus dans l’arène», a-t-il déclaré le 14 avril 2018 à l’agence SIR à Rome.
Lui aussi espérait que l’on attendrait les résultats de l’enquête des experts de l’OIAC, «mais après ces raids, tout sera plus difficile. Tout appel à la paix tombe dans le vide, seul le pape François continue à espérer la paix et nous avec lui».
«Pendant ce temps, dénonce le vicaire, la souffrance de la population augmente; elle demande la paix et reçoit en retour des bombes et des missiles. Ici, les gens s’attendaient à quelque chose de semblable et, malheureusement, cela s’est produit». L’espoir de Mgr Abou Khazen est que ces attaques ne s’étendent pas à d’autres endroits de la région, «car ce serait vraiment dangereux et tout pourrait devenir incontrôlable. Nous avons besoin d’une solution commune qui soit mise en œuvre sans mensonges. Nous n’avons pas d’autres armes que la prière….»
Pour Mgr Antoine Audo, archevêque chaldéen d’Alep, il est surprenant que l’attaque ait eu lieu juste au moment où était sur le point de commencer en Syrie la mission des inspecteurs de l’ONU appelés à enquêter sur l’utilisation d’armes chimiques attribuée au régime de Damas. Pour le prélat, l’attaque cache la «volonté de pouvoir» de l’Occident – qui alimente le commerce des armes – et des alliés saoudiens dans la région. Sur les ondes de Radio Vatican, le prélat estime absurde que Damas utilise ce type d’armes au moment même où son armée a repris la région de Ghouta qui était depuis des années aux mains des djihadistes.
Sur les ondes de Radio Vatican Italie, Mgr Audo a affirmé le 14 avril 2018 qu’au niveau régional, la Syrie paie le prix du conflit à distance entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, un peu comme en Irak voisin, et espère un accord entre les Etats-Unis et la Russie.
Le cardinal libanais Béchara Boutros Raï a quant à lui déploré sur les ondes de Radio Vatican les frappes occidentales en Syrie, évoquant le risque d’internationalisation de la guerre qui ravage le pays depuis sept ans.
Le patriarche d’Antioche des maronites fustige le jeu des grandes puissances qui «battent le tambour d’une nouvelle guerre contre la Syrie», regrettant que les pays occidentaux «n’ont pas le moindre sentiment humain envers les millions de Syriens innocents contraints de fuir leur terre», alors que le Liban a reçu des millions de réfugiés syriens sur son sol. Le cardinal Raï s’inquiète de cette nouvelle escalade et plaide pour la nécessité de trouver une issue diplomatique à la guerre en Syrie.
«Ils disent qu’ils font la guerre pour établir la démocratie en Syrie, en Irak… Donc, si vous voulez la démocratie, appliquez-la et écoutez ce que les gens disent. Vous voulez savoir quel sera le sort d’Assad ? Que le peuple syrien décide ! Ce n’est pas à vous de décider qui sera le président en Syrie, en Irak, au Liban…. Laissez le peuple décider, si vous prétendez appliquer la démocratie. La démocratie n’est pas seulement des mots: elle doit être appliquée», a-t-il martelé sur les ondes de Radio Vatican. (cath.ch/radvat/sir/be)
Jacques Berset
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