Mais le prélat melkite reste cependant préoccupé par l’exode des habitants qui se poursuit, touchant particulièrement les communautés chrétiennes de l’ancienne métropole économique du Nord-Ouest de la Syrie.
Quand les quartiers Est de la ville étaient tenus par les rebelles et les djihadistes [ils ont été repris en décembre 2016, ndr], les quartiers Ouest, dans le giron gouvernemental, ont été longtemps soumis à un bombardement indiscriminé. «Ma résidence, mon archevêché et la cathédrale ont été la cible de bombardements répétés des rebelles. Ils y ont déversé plus de 70 obus de toutes espèces et causé de grands dégâts. Un de mes prêtres a été gravement atteint et nos bâtiments rendus littéralement inutilisables…»
Depuis l’évacuation des rebelles, «la sécurité et la reprise sensible des services publics redonnent un peu de tranquillité à nos fidèles. L’eau dans les maisons et l’énergie électrique qui revient ont de quoi réconforter les citoyens. Tout doucement la vie économique reprend et les plus vaillants trouvent sans grande difficulté un petit emploi», témoigne-t-il. L’archevêque melkite se réjouit du fait que des jeunes formés dans le centre professionnel de l’Eglise puissent trouver un poste de travail.
Son mouvement de développement local, «Bâtir pour Rester», a pu remettre en état 800 appartements et quelque 50 ateliers et commerces endommagés par les obus. Sa caisse de solidarité a octroyé jusqu’à aujourd’hui 200 prêts gratuits pour aider les jeunes de la communauté à entreprendre de petits projets qui leur permettent de vivre dignement et d’avancer.
Malgré ce sursaut réconfortant, poursuit Mgr Jeanbart, «un grave problème nous préoccupe et nous attriste. Nombreux sont ceux qui, pour une raison ou une autre, quittent le pays pour émigrer en Occident. Face à cet exode qui frappe particulièrement nos communautés chrétiennes, nous nous trouvons, nous, pasteurs, en plein désarroi! Que pouvons-nous faire contre ce fléau meurtrier? Faut-il capituler, se rendre à l’évidence et laisser faire en attendant des jours meilleurs ?»
Le métropolite grec-catholique d’Alep a lancé l’appel «Alep Vous Attend», à l’attention de tous ceux qui sont partis et qui hésitent. «Je savais pertinemment que cet appel peut sembler ridicule aux tenants du ‘politiquement correct’, mais j’ai quand même osé faire le pas, même si, comme Jean, je semblais crier dans le désert. Nous avons dans ce but établi un programme d’aide financière pour les frais de voyage et de réinstallation des familles désireuses de rentrer et nous avons été agréablement surpris des résultats, moi, autant que mes collaborateurs. Des amis à l’étranger ont apprécié le projet et ont voulu nous aider».
Mgr Jeanbart précise que 35 personnes ont déjà pu retourner chez eux grâce à ce programme et un bon nombre de ceux qui cherchaient à partir ont commencé à se poser des questions. «Ceux qui ridiculisaient notre initiative se sont calmés, et nous-mêmes, nous avons été portés à faire encore davantage pour aider nos chrétiens à se sentir bien chez eux! Dans ce but nous avons, entre autres, décidé de nous investir entièrement, pour lancer un projet d’habitat à l’intention des jeunes foyers qui veulent vivre dans leur pays».
Malgré ses préoccupations, l’archevêque melkite d’Alep reprend jour après jour confiance. «Les 1’500 communions que nos prêtres ont pu distribuer aux très nombreux fidèles, rassemblés pour célébrer avec nous le jour des Rameaux, ont de quoi nous remplir de joie et nous rassurer».
Alors que les rebelles et djihadistes, acculés par l’armée syrienne, continuent d’évacuer la Ghouta orientale pour rejoindre la province d’Idleb, toujours tenue par les insurgés dans le Nord-Ouest de la Syrie, l’armée turque et ses supplétifs syriens, après avoir pris Afrine, menacent de s’en prendre à Manbij. La zone est tenue par les milices kurdes alliées de la coalition occidentale qui combat les terroristes de Daech, l’Etat islamique. Après sept ans de guerre, de nouveaux combats ravivent le conflit en Syrie. Il n’y a pas encore de retour au calme pour la Syrie et ses habitants, dont la souffrance semble sans fin.
Plus de 13 millions de personnes sont tributaires d’une aide humanitaire, dans le pays, et ce nombre grandit tous les jours, relève Caritas Suisse dans un communiqué. L’œuvre d’entraide suisse assure depuis 2012 des secours d’urgence et une aide à la survie en Syrie et dans les pays voisins. Les secours, qui atteignent 500’000 personnes, concernent la nourriture et les articles d’usage courant pour la famille, l’aide au financement des loyers et soins médicaux de base, la formation scolaire pour les enfants et la promotion d’un revenu pour les familles réfugiées dans les pays voisins. (cath.ch/be)
Jacques Berset
Portail catholique suisse
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