Jamais Régis Voirol ne pourra oublier ces deux ans passés à Rome afin de servir le pape. Des souvenirs accumulés entre février 2015 et mai 2017, l’ex-garde vaudois pourrait en publier tout un livre. Sur la crise migratoire de 2015 notamment, qu’il a vécue de près. Et comment il s’est retrouvé à distribuer de la nourriture à des migrants dans la périphérie romaine, à l’initiative de l’aumônier du pape.
«On est allé dans un ‘centre d’immigrés’, se rappelle Régis Voirol. Il s’agissait en fait d’une usine désaffectée, où 400 migrants étaient entassés, sans personnel soignant. Je me rappellerai toujours du premier enfant qui s’est approché, mangeant, larmes aux yeux, le croissant que je venais de lui offrir». Pour cet homme de 24 ans, il est très facile de décrire son expérience romaine en une phrase. «Cela restera à tout jamais un moment-clé de ma vie».
Pourtant, lorsque nous évoquons le désert avec lui, Régis Voirol surprend. Ce n’est pas cette longue marche de 40 jours, qu’il a effectuée sous un soleil de plomb de Rome à Renens, à laquelle il pense en premier. Non. «Mon désert, mon temps de carême, je l’ai davantage vécu à Rome», révèle-t-il. Ce constat, l’ex-garde l’a fait après coup, pendant son pèlerinage vers la Suisse.
«Le service de garde à la messe était devenu un fardeau»
«A Rome, c’était compliqué de garder une foi forte! C’est sans doute le cadre de vie qui a mis ma relation à Dieu à l’épreuve. Par exemple, lorsqu’on était planifié pour le service de garde durant une messe, c’était une obligation». Une obligation, précise Régis Voirol, qui s’ajoutait souvent à huit heures de piquet préalables, debout et sans bouger. «J’en étais arrivé à un point où le service de garde à la messe était devenu un fardeau. Même si, malgré l’effort, on en ressortait toujours très satisfait». Un sentiment passablement déroutant pour ce jeune catholique qui fréquente habituellement les lieux de culte chaque dimanche.
«A Rome, j’ai rencontré l’Eglise. Sur le chemin du retour, j’ai rencontré Dieu de manière personnelle», constate-t-il. Durant la marche, Régis a eu la possibilité de philosopher, de penser au passé et à l’avenir, et de contempler «la beauté de la création». De prier. Non pas qu’il n’ait pas pu le faire en deux ans de Garde. «Au contraire, il y a des jours où j’étais seul, mais je restais toutefois confiné dans un cadre de travail», précise-t-il.
«A Rome, j’ai rencontré l’Eglise. Sur le chemin du retour, j’ai rencontré Dieu de manière personnelle»
«Le désert, c’est me rendre compte que je m’étais coupé de la relation avec Dieu». Pour Régis, le désert a du bon dans la mesure où il lui a permis de prendre conscience de ce manque. Le pire, selon lui, serait de croire qu’on est proche de Dieu, sans se rendre compte que l’on a rompu la relation. «En ce qui me concerne, c’est arrivé à Rome. Mais cela pourrait très bien recommencer demain», prévient-il.
Pas question donc de dénigrer son ancienne vie de caserne. Si la Garde suisse lui a appris quelque chose, c’est que les confrontations, les efforts physiques et les événements imprévus font partie de la vie. «C’est très formateur de réaliser que tout ne peut pas toujours se passer comme prévu. Ne dit-on pas, à juste titre, que le saint n’est pas celui qui ne tombe jamais, mais celui qui se relève toujours», explique le Renanais d’origine jurassienne.
Et de replacer sa propre histoire dans son contexte. «Chaque garde chemine différemment. Certains trouvent la foi en allant à Rome. D’autres la perdent. Moi, je l’avais déjà avant d’aller et je l’ai gardée, mais j’ai senti qu’à mon retour, elle était appelée à changer». Quels changements? «Prendre conscience, par exemple, que Dieu se manifeste de différentes façons: par des rencontres, dans la nature. Il est là, et c’est à moi de faire le nécessaire pour me rendre présent à Lui.»
Autre bienfait de la Garde: «il faut une bonne dose de patience, quand on représente ‘l’image du pape’. Il est nécessaire de prendre le temps de la considération!», clame-t-il. Pendant le service, Régis Voirol avait régulièrement affaire à des personnes affolées, qui voulaient voir le pape dans l’urgence. L’expérience de la garde lui a permis de regarder ces personnes autrement que comme «des fous». Et de réaliser que chaque comportement a une histoire particulière.
«Les grandes décisions ne se prennent pas dans l’urgence»
Cinquième d’une fratrie de sept enfants, Régis Voirol a développé cette fascination pour les comportements humains dès son plus jeune âge. Aujourd’hui, c’est certainement cet attrait pour la complexité du caractère humain qui l’a conduit vers la Faculté de droit, à Lausanne, bien qu’il n’ait pas encore décidé du débouché exact vers lequel ses études vont le mener. Fort de ses expériences de garde et de désert additionnées, Régis est néanmoins sûr d’une chose: «Les grandes décisions ne se prennent pas dans l’urgence, telle que notre monde l’exige de nous parfois. Afin de choisir nous-mêmes les priorités de notre vie, sans nous les faire dicter par les règles de la société.» (cath.ch/gr)
Grégory Roth
Portail catholique suisse
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