Invités par le pape François, qui avait ouvert leurs travaux le lundi 19 mars, à «parler sans filtre», les jeunes de diverses obédiences et de tous les continents n’ont pas hésité à aborder, dans un esprit de dialogue, des thématiques en porte-à-faux avec l’enseignement de l’Eglise. Des sujets qui divisent les chrétiens comme la contraception, l’avortement, l’homosexualité, la cohabitation avant le mariage, etc.
«Il s’agit de donner aux évêques une boussole, les guidant vers une compréhension claire des jeunes: une aide pour le Synode des évêques sur la jeunesse, la foi et le discernement, au mois d’octobre 2018», peut-on lire dans le document des jeunes. Il sera remis au pape François par un jeune du Panama (pays qui accueillera les prochaines JMJ en janvier 2019) lors de la messe du dimanche des Rameaux, le 25 mars 2018.
Des participants français interrogés par cath.ch affirment que ce document reflète les demandes de la «génération pape François», qui invite à «sortir des sacristies», à aller «vers les périphéries» et à mettre en avant la miséricorde avant des préceptes moraux rigides.
«Il existe souvent de profonds désaccords parmi les jeunes, à la fois dans l’Eglise et dans le monde, sur certains de ses enseignements qui sont particulièrement sensibles. Quelques exemples: contraception, avortement, homosexualité, cohabitation, mariage et comment la prêtrise est perçue dans les différentes réalités de l’Eglise», expliquent les jeunes dans leur document.
Ils notent que des désaccords et des discussions sont toujours en cours parmi les jeunes sur ces sujets polémiques. «Par conséquent, ils peuvent vouloir voir l’Eglise changer ses enseignements ou au moins avoir accès à de meilleures explications et formations sur ces questions». Même si ce débat existe parmi eux, relèvent-ils, «les jeunes catholiques, dont les convictions sont en conflit avec les enseignements officiels, veulent rester dans l’Eglise».
Le document mentionne également le problème des addictions, les mariages qui ont échoué, les familles divisées mais aussi le crime organisé, la traite d’êtres humains, la violence, la corruption, l’exploitation, les violences faites aux femmes, ainsi que toutes les formes de persécution et de dégradation de l’environnement.
«Ce sont des problèmes graves pour les communautés plus fragiles de notre monde. Dans beaucoup de pays, nous avons peur de l’instabilité sociale, politique et économique. Alors que nous sommes confrontés à ces difficultés, nous avons besoin d’accueil, de miséricorde et de tendresse de la part de l’Eglise, à la fois comme institution et comme communauté de foi».
La promotion de la dignité des femmes, à la fois dans l’Eglise et dans la société en général, est une préoccupation des jeunes
«Le fait que les femmes n’aient pas une place équivalente à celle des hommes reste un problème dans la société. Cela est également vrai dans l’Eglise!». Les moments les plus difficiles de la rencontre, a confirmé Laphidil Twumasi, une jeune d’origine ghanéenne résidant à Vicenza (Italie), ont été la vision de la place de la femme dans l’Eglise et la société, et les questions concernant la sexualité. «Mais le document final a été écrit de telle manière que chacun se sente représenté».
Le document, élaboré par une commission de rédaction de douze jeunes – sans que le cardinal Lorenzo Baldisseri, secrétaire général du Synode des évêques, présent durant la semaine, n’intervienne – relève aussi que beaucoup de jeunes catholiques acceptent les enseignements de l’Eglise. «Ils trouvent en eux une source de joie. Ils ne désirent pas seulement que l’Eglise tienne fermement ses positions, malgré leur impopularité, mais qu’elle les proclame avec une plus grande profondeur dans ses enseignements». Ce document a été approuvé à l’unanimité par les jeunes, a noté le cardinal Baldisseri lors de la conférence de presse du 24 mars, du moins «personne n’est intervenu pour le contredire!»
Le cardinal italien a relevé que si les jeunes se définissent comme «l’Eglise jeune», cette dernière n’est pas en opposition à une «Eglise des adultes», car les jeunes sont dans l’Eglise «comme le levain dans la pâte, pour utiliser une image évangélique». Et de relever que les jeunes attendent une Eglise «qui sait reconnaître les erreurs du passé et du présent avec humilité» et qui s’engage avec courage à vivre ce qu’elle prêche.
Le document final des jeunes devrait être le plus important pour l’élaboration du document de travail (Instrumentum laboris) qui servira de base au prochain Synode sur les jeunes d’octobre prochain, estime Charles Callens, responsable éditorial web au Service national pour l’évangélisation des jeunes et pour les vocations de la Conférence des évêques de France (CEF)
«J’ai eu le sentiment, durant cette semaine, de vivre, comme les jeunes, un véritable moment historique, une nouvelle Pentecôte qui a donné à des participants venus de toutes les nations d’expérimenter de manière très concrète l’unité possible dans la diversité, la communion dans un sentir commun, l’universalité de l’Eglise dans la diversité des cultures», note pour sa part Sœur Nathalie Becquart, directrice du Service national pour l’évangélisation des jeunes et pour les vocations de la CEF.
La religieuse xavière dit avoir vécu une «Eglise synodale où tous marchent ensemble, fidèles et pasteurs, laïcs, prêtres et consacrés, hommes et femmes, jeunes et vieux, dans l’écoute et l’accueil réciproques», estimant que «la synodalité est vraiment la clé de l’évangélisation des jeunes d’aujourd’hui». Elle parle même d’une étape nouvelle de la réception du Concile Vatican II. Sœur Nathalie Becquart a pu voir également que tous les participants, quelles que soient leur langue, leurs convictions ou leur région d’origine, veulent une Eglise transparente, ouverte et crédible, «sans langue de bois» et impliquée de manière sérieuse dans les réalités de ce temps. Une Eglise accueillante, inclusive, qui fasse une juste place aux femmes.
«Les jeunes de toutes obédiences ont fait l’expérience que ce qui les unit est plus fort que ce qui les divise. Les non-catholiques ont d’emblée été accueillis et ont ressenti que leur point de vue était attendu. Ils ont été très heureux de connaître l’Eglise et d’en savoir plus sur elle. On a vite vu que les lignes de fracture n’étaient pas entre eux et les jeunes catholiques… J’ai senti ici que l’Eglise était en marche, que l’Esprit saint nous ouvre toutes grandes les portes!» (cath.ch/be)
Jacques Berset
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