«En arrivant je ne me suis pas senti très à l›aise au milieu de tous ces prêtres, ces religieuses, avec en plus les temps de prière», indique Sandro Bucher, athée, qui pensait ne pas se trouver au bon endroit. Agréable surprise: le non-croyant a retenu l’attention, particulièrement d’un Libanais et d’un Bulgare, catholiques, très curieux d’entendre son opinion sur l’Eglise.
«Je me suis senti écouté et mon avis a compté»
Une belle occasion pour le Lucernois de 25 ans de faire tomber un cliché tenace: les athées ne sont pas systématiquement contre l’Eglise et savent s’engager au service des plus faibles. «Je me suis senti écouté et mon avis a compté». Il s’attendait à des débats plutôt vifs. De même que son compatriote distancié de l’Eglise, Jonas Feldmann, 25 ans, étudiant en médecine à Zoug. «Nous n’étions pas toujours d’accord dans mon groupe mais nous avons su dépasser les différences et reprendre des discussions très amicales à la pause».
Ce sur quoi a également insisté Medea Sarbach, envoyée par la Conférence des évêques suisses (CES). L’étudiante en théologie relève le grand respect qui a prévalu lors de ces échanges dans les groupes linguistiques. «C’est un cadeau de rencontrer ces jeunes», sourit-elle. Elle s’est sentie très à l’aise avec les jeunes athées et d’autres religions.
Attablés dans un café romain, les jeunes témoignent tranquillement. Pas de mise en garde ni de propos vindicatifs. Même si Jonas et Sandro auraient souhaité la présence plus nombreuse de représentants d’autres religions et de jeunes critiques de l’Eglise.
La dimension internationale de ces rencontres a stimulé la curiosité du trio suisse. «J’ai constaté, en écoutant les jeunes catholiques d’Afrique et d’Asie, que nous partageons les mêmes problèmes: difficulté à s’insérer dans la vie professionnelle, à nous situer dans ce monde», relève Jonas. «Les défis que présente le monde actuel pour les jeunes sont les même pour tous, croyants ou non croyants», renchérit Sandro. La curiosité l’emportant sur les préjugés a sans doute contribué à élever le niveau des discussions.
Ainsi des liens se sont tissés, à tel point que les discussions se poursuivaient à table ou lors des soirées explique Medea. Sandro quittera Rome avec une meilleure image des jeunes catholiques, à son avis plus ouverts au monde que leur Eglise. Ce que corrobore Jonas en estimant que l’égalité hommes-femme pose moins de problèmes aux jeunes catholiques et qui sont également moins fermés sur l’homosexualité.
«Le vrai dialogue a du bon»
Un bon point pour l’institution qu’il critique volontiers: le Zougois a noté la présence nombreuse de jeunes femmes que l’Eglise a encouragées à participer au pré-synode. Tous deux reconnaissent volontiers que leur présence au pré-synode est une preuve d’ouverture.
Le vrai dialogue a du bon, affirme Medea, et les jeunes ont démontré à Rome qu’il est possible au sein de l’Eglise. La Bâloise de 23 ans est moins critique que ses deux compatriotes. Si l’Eglise doit se rapprocher des jeunes, les accompagner et les soutenir, ils doivent en retour contribuer à sa croissance et ne pas la déserter.
Les trois Suisses voient dans ce pré-synode une grande chance pour l’Eglise et dans le même temps un véritable défi lancé aux évêques qui, selon Medea, «vont devoir écouter les jeunes». A les entendre, ils ont fait le job. «J’ai dit ce que j’avais à dire, maintenant c’est dans leurs mains», lance Jonas qui espère, mais sans trop s’enthousiasmer, être entendu par les évêques. Il s’est éloigné de l’Eglise mais ne lui a pas tourné le dos. Il compte suivre l’actualité sur la réunion présynodale et sera très attentif à la réponse que vont donner les évêques à l’issue du synode, en octobre.
L’Eglise dans la bonne direction
Sandro se veut plus optimiste, au moins pour le monde et pour la jeunesse. Il ne voit pas l’Eglise changer du tout au tout sans qu’elle perde son identité mais reconnaît que son regard sur l’institution a évolué. Il se dit admiratif devant la force que les jeunes croyants puisent dans leur foi pour faire le bien.
«L’Eglise va dans la bonne direction et franchit une étape importante», estiment Medea, Sandro et Jonas. Ce dernier redoute cependant un synode qui ne serait pas suivi d’effets et suggère que l’Eglise se remette plus souvent en question. «Et pas seulement à Rome. Cela doit se faire à l’échelle locale, partout dans le monde. Il faut commencer par la base si l’on veut faire évoluer les choses».
Le pape a fait l’unanimité parmi les jeunes qui ont vu plus que le chef de l’Eglise: un homme âgé tenant un discours très jeune. «L’atmosphère a changé quand il est entré dans la salle» souffle Sandro qui a eu «l’honneur» de voir le pape. Medea évoque l’ambiance familiale que François a créé par sa proximité avec les 285 participants présents dans la salle du plenum.
Medea Sandro et Jonas, les quelque 300 jeunes présents à Rome et les 15’000 autres participants via les réseaux sociaux viennent de donner une belle opportunité à l’Eglise. Ils disent que c’est une chance. Les évêques devront la saisir en octobre. (cath.ch/bh)
Maurice Page
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