Selon le magazine catholique américain Global Sisters Report, les parents qui cèdent leurs filles, d’habitude adolescentes, à des retraités européens sont touchés par la pauvreté généralisée qui règne dans la province.
Le journal américain souligne que le tourisme sexuel prend de l’ampleur au Kenya. Le pays est en train de devenir une destination prisée pour les personnes à la recherche de prostituées mineures. Le tourisme est l’un des secteurs clé de l’économie du Kenya, représentant 10% de son PIB. Du fait de son rôle dans l’économie nationale, les autorités rechignent à s’attaquer au tourisme sexuel impliquant des mineurs, relève l’ONG locale Coast women in development (CWID). Créée en 2005, elle œuvre pour l’amélioration des conditions de vie des femmes et des enfants au Kenya.
L’UNICEF estime que jusqu’à 30% des filles âgées de 12 à 18 ans dans les zones côtières du Kenya sont impliquées dans une certaine forme de travail sexuel. L’Organisation onusienne estime également, que parmi les travailleurs du sexe du Kenya, un sur dix a commencé à avoir des relations sexuelles avant d’atteindre la puberté.
«Je l’amenais dans la salle de conseil et une fois que je fermais la porte, elle commençait à trembler»
Face à cette situation, l’Eglise catholique a ouvert en 2015 à Malindi, un centre d’accueil -conseil dénommé «Pape François», pour les victimes d’exploitation sexuelle. Les Sœurs missionnaires de Notre-Dame d’Afrique travaillaient déjà dans la région, avant l’ouverture du centre, pour sauver les enfants de l’exploitation sexuelle. Elles s’efforcent de sensibiliser tous les acteurs du problème, ayant constaté que les enfants eux-mêmes considèrent cette activité comme un moyen normal de gagner leur vie.
Le Père Ambrose Muli, directeur du «Centre pape François», note qu’il n’est pas facile de faire rester les jeunes filles et garçons dans son établissement. Certains ont été réduits par des Européens à une forme d’esclavage sexuel. Ces touristes, souvent à la retraite, savent se monter généreux et il s’agit pour les familles pauvres d’un argent facile à gagner. Les jeunes préfèrent parfois ce genre de vie à celle qu’ils peuvent avoir dans le centre.
«Ici, La pauvreté est abjecte et douloureuse», souligne Sœur Matilda Baanuo, coordinatrice du «Centre pape François». En 2011, près de 70% des 1,1 million d’habitants du district de Malindi vivaient avec moins d’un dollar par jour.
Les jeunes filles et garçons sont encouragés par leur famille à chercher des touristes qui répondront aux besoins du ménage. Les familles vont donc délibérément maintenir les enfants hors de l’école pour qu’ils aillent chercher du «travail» sur les plages.
Sœur Redempta Kabahweza, principale conseillère du centre, se souvient d’avoir sauvé deux fillettes âgées de 10 et 12 ans de deux touristes italiens qui ont abusé d’elles pendant deux ans. Beaucoup de touristes, attirés par un coût de la vie très bas et la disponibilité immédiate de rapports sexuels, achètent des maisons et vivent dans la région pendant toute ou partie de l’année.
La plus âgée des deux filles était particulièrement traumatisée. «Je l’amenais dans la salle de conseil et une fois que je fermais la porte, elle commençait à trembler. La préparer à témoigner devant le tribunal était très difficile, parce qu’elle devait se rappeler de toutes les horribles expériences sexuelles qu’elle a vécues», raconte la religieuse.
Naomi Kazungu, responsable du Centre gouvernemental de protection de l’enfance à Malindi explique que de nombreux délinquants sexuels échappent à la loi pendant longtemps parce qu’ils abusent des enfants dans des résidences privées, notamment le long des zones côtières de Mombasa, Malindi et Lamu. Or, la loi interdit aux autorités d’enter dans une maison privée sans ordonnance du tribunal. Ce qui rend presque impossible toute action de la force publique. Pour Naomi Kazungu, la première chose à faire serait d’abroger cette disposition de loi. (cath.ch/ibc/gsr/rz)
Raphaël Zbinden
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