En août 2014, alors que les djihadistes se dirigeaient vers Qaraqosh et les autres villes chrétiennes de la plaine de Ninive, le Frère Michaeel a rempli à déborder sa voiture de manuscrits rares et précieux, raconte l’agence d’information catholique Asia News dans un article du 17 mars 2018. Certains d’entre eux dataient d’aussi loin que le 16e siècle et constituaient des témoignages uniques et irremplaçables des traditions culturelles chrétiennes et non chrétiennes de la région. Afin de sauver ces œuvres, qui auraient pu être considérées comme impies par les islamistes et détruites, le Frère Michaeel s’est réfugié au Kurdistan voisin avec deux autres dominicains. Des milliers de textes d’une valeur inestimable ont ainsi pu être sauvés.
Il a déplacé avec lui le Centre de numérisation des manuscrits orientaux (OMDC). Fondé en 1990, le centre travaille en partenariat avec des religieux bénédictins à la préservation et à la restauration des documents. Ils numérisent en particulier les manuscrits endommagés récupérés dans les églises du nord de l’Irak.
Grâce à leur méticuleux travail, plus de 8’000 textes des traditions chaldéenne, syriaque, arménienne et nestorienne ont été sauvegardés sur des fichiers digitaux, ces dernières années. Une partie du personnel de l’OMDC est composée de «personnes déplacées», dont des chrétiens et des musulmans, qui ont fui l’avancée de l’Etat islamique (EI). Au fil du temps, ils sont devenus des «professionnels» de la conservation de documents anciens. Le centre a aussi ouvert ses portes à des chercheurs de l’étranger, notamment de France, d’Italie et du Canada.
Durant les trois dernières années, les miliciens de l’EI ont détruit ou vendu des milliers d’œuvres culturelles ou historiques. Les actions de Frère Michaeel gênaient beaucoup les djihadistes, qui avaient mis son nom sur leur liste de personnes à tuer.
Le dominicain est retourné à Mossoul fin 2017, afin de participer à la première messe célébrée après le départ de Daech de la ville. Il a retrouvé son ancienne église en ruines. Le couvent proche avait été utilisé comme prison et manufacture de bombes artisanales. Mais le religieux a aujourd’hui retrouvé son optimisme, se rappelant notamment qu’une grande partie de l’héritage culturel irakien a pu être sauvé. Parce que, explique-t-il, «il n’est pas possible de sauver un arbre sans ses racines» et «un homme sans culture est un homme mort». (cath.ch/asian/rz)
Raphaël Zbinden
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