Le premier signe d’intérêt du pape François envers l’Asie fut en août 2014, quand il adressa un message au président chinois Xi Jingping. Le pape a salué Xi Jingping depuis l’avion papal, alors qu’il survolait la Chine vers la Corée du Sud, où il devait célébrer les Journées asiatiques de la jeunesse. Ce geste, après seulement six mois de pontificat – il avait été élu pape le 13 mars 2013 – relançait les relations entre le Vatican et la Chine à propos de la régularisation de la nomination des évêques. La question avait été mise de côté et compliquait depuis des décennies les échanges entre les deux pays.
Des observateurs, bien que limités par la confidentialité de telles questions, affirment que la signature proche d’un accord est tout simplement impossible. D’autres pensent qu’un accord pourrait être annoncé d’ici la Semaine Sainte, fin mars. Quoi qu’il en soit, ces pourparlers font partie des initiatives qui prouvent que le pape tient sa promesse de se tourner vers l’Asie durant son pontificat.
Seulement six mois après sa visite en Corée du Sud, le pape retournait en Asie pour canoniser le premier saint du Sri Lanka et pour visiter le cœur même du catholicisme asiatique, les Philippines, où plus de 80 % des 100 millions de Philippins sont catholiques. Nissanka Jayaweera, une enseignante catholique sri-lankaise de 36 ans, a travaillé aux côtés du comité d’organisation de la visite papale. Elle raconte que le pape a souligné que pour que le Sri Lanka guérisse après sa longue guerre civile (1983 – 2009), il fallait que toutes les religions travaillent ensemble.
«Avec le pape François, l’Église est en sécurité et avance dans la bonne direction»
«Le pape a demandé aux catholiques sri-lankais de prendre exemple sur saint Joseph Vaz, un missionnaire indien [venu évangéliser le Sri Lanka à la fin du XVIIe siècle], un modèle de foi en temps de crise», raconte Nissanka, qui a participé à la messe de canonisation de saint Joseph Vaz le 14 janvier 2015 à Colombo, la capitale. «Le pape a appelé à la réconciliation, la paix et la justice pour toutes les communautés, après la guerre civile qui a duré 26 ans. Il a demandé à tous les responsables religieux du pays de travailler ensemble pour guérir toutes les blessures des victimes de la guerre», se souvient Nissanka. «Les catholiques sri-lankais ont offert un don de plus de 8 millions de roupies sri-lankaises [soit environ 42’000 euros] pour les œuvres de charité du pape, mais celui-ci a rendu la somme à la conférence des évêques du Sri Lanka pour les pauvres du pays», ajoute-t-elle.
Le Père S. Anthony, un prêtre tamoul originaire d’un diocèse affecté par la guerre, raconte que le pape a rencontré des familles de victimes au sanctuaire marial Notre-Dame de Madhu, dans le nord-ouest du pays, à l’occasion de sa visite dans ce sanctuaire vieux de 400 ans, qui a accueilli des milliers de réfugiés tamouls durant la guerre. «Le pape a eu le courage de rappeler que beaucoup de familles ont été tuées au cours des terribles violences et massacres, qui ont eu lieu durant ces années de guerre civile», rapporte le Père Anthony.
La visite du pape François aux Philippines du 15 au 19 janvier 2015, qui a suivi sa venue au Sri Lanka, a particulièrement touché les Philippins, notamment ceux qui ont survécu au typhon Haiyan, qui avait frappé le pays en novembre 2013. Mgr Pablo Virgilio David, évêque de Caloocan, dans le nord de Manille, se réjouit des appels constants du pape pour que l’Église devienne «davantage missionnaire, catholique et vivifiante». «Ce pape est un don de Dieu à l’Église universelle. Son pontificat est une grâce pour nous», ajoute Mgr Ruperto Santos de Balanga, responsable de la commission épiscopale pour les migrants et les personnes en déplacement. «Il éprouve une grande compassion pour les personnes vulnérables et sans voix», acclame l’évêque. «Comme la barque de saint Pierre, l’Église est en sécurité et avance dans la bonne direction» avec le pape François à la barre, ajoute-t-il.
«Ce jour-là, malgré la tempête, le pape est resté parmi nous»
Fidelino Josol, qui a survécu au typhon Haiyan dans la ville côtière de Tacloban (dans l’est de l’archipel), assure que rencontrer le pape, après avoir perdu des biens et des êtres chers, était «vraiment réconfortant» pour les habitants de la province de Leyte. «Il a encouragé les survivants à s’accrocher à leur foi» pour dépasser leurs souffrances. «La rencontre avec le pape était vraiment habitée par la présence de Dieu», ajoute Fidelino. Durant la visite du pape, une autre tempête a touché la province, inondant les milliers de personnes qui participaient à la célébration. «Ce jour-là, malgré la tempête, le pape est resté parmi nous et pour nous», se souvient Fidelino, qui chantait dans le chœur durant la célébration. Le Père Lenox Garcia, du diocèse de Borongan, dans le centre des Philippines, confie que la rencontre du pape avec les victimes du typhon «nous a donné de l’espoir et du courage pour aller de l’avant».
Les visites du pape en Asie, pour une canonisation puis auprès du bastion catholique philippin, peuvent paraître des choix aisés. Mais son voyage, fin 2017, en Birmanie et au Bangladesh ne l’était certainement pas. Les deux pays étaient alors en pleine crise, après la fuite de centaines de milliers de réfugiés rohingyas. Le pape tenait personnellement à faire ce voyage en Birmanie, contournant le protocole habituel. Une fois sur place, le pape a suivi une ligne particulièrement délicate, entre son appel en faveur de la paix et des réfugiés, et l’appel du cardinal Charles Maung Bo et d’Aung San Suu Kyi à ne pas enflammer la situation.
Le Père Alexander Kyaw Win, curé de la paroisse Saint-Michel-Archange de Dala, dans le sud de Rangoun, affirme que la visite du pape était historique et bénéfique pour l’Église catholique en Birmanie. «Beaucoup de Birmans ne connaissent pas le catholicisme, donc la visite du pape a défendu l’image de l’Église catholique et a facilité la contribution de l’Église à la reconstruction du pays», confie le père Alexander.
«Les évêques n’ont pas semblé prendre le message du pape au sérieux»
Le point d’orgue de la visite du pape au Bangladesh a été la rencontre interreligieuse du 2 décembre, assure Benedict Alo D’Rozario, secrétaire du comité central créé en vue de la visite papale. «Le pape François a prié aux côtés de réfugiés rohingyas, de musulmans, d’hindous et de bouddhistes. La foule qui lui faisait face était composée de membres de toutes les communautés», raconte Benedict. «Ce moment doit rester gravé dans l’esprit de tous les Bangladais». Mgr Gervas Rozario, évêque de Rajshahi et vice-président de la conférence des évêques du Bangladesh, ajoute que la visite était aussi une façon de reconnaître et d’honorer le pays. «Il s’est adressé aussi bien à la majorité musulmane qu’à la minorité chrétienne», continue Mgr Rozario. «Le fait qu’il soit parmi nous et témoigne de son amour pour le Bangladesh, c’est un vrai soutien, cela nous redonne confiance. Ces encouragements nous donnent de la force.»
Pourtant, malheureusement, en particulier pour les catholiques philippins ainsi que pour les Birmans et les Sri-Lankais, les messages du pape ont parfois semblé tomber dans l’oreille d’un sourd. Le Père Pete Montallana, franciscain, a remarqué que les Philippins, même parmi les évêques, «n’ont pas semblé prendre le message du pape au sérieux». «La situation est presque pire qu’avant, parce que nous refusons de sortir de notre zone de confort», regrette le prêtre. «C’est tellement plus facile de se concentrer seulement sur la belle liturgie et sur de grands édifices», ajoute-t-il. Durant sa visite, le pape François a demandé au gouvernement et aux évêques philippins de se pencher sur les problèmes du climat, de la pauvreté et de l’injustice. Mgr Fernando Capalla, évêque émérite de Davao, dans le sud de l’archipel, affirme que la demande du pape «d’en finir avec l’inégalité et l’exclusion sociale a malheureusement été ignorée». Le pape a sans cesse appelé les évêques à porter «l’odeur de leurs brebis», invitant notamment les prêtres à prononcer des homélies plus courtes et plus proches des fidèles. Malgré ses appels en faveur de la paix – un point clé de son pontificat –, celle-ci semble plus que jamais échapper à la Birmanie, et la semaine dernière, les violences religieuses agitaient une nouvelle fois le Sri Lanka. (cath.ch/eda/ucan/rz)
Raphaël Zbinden
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