Dans l’univers d’Altered Carbon, tiré du roman éponyme de Richard K. Morgan, l’humanité a développé une technologie rendant possible le transfert de conscience d’un corps à un autre. Chaque personne possède un dispositif similaire à un disque dur implanté dans la nuque, à la base du cerveau. L’humain n’est en définitive que cette conscience digitalisée. Les ‘enveloppes’ corporelles sont interchangeables et la conscience réduite à cette ‘pile’. Personne ne meurt donc réellement à moins que le disque dur ne soit détruit. Contre paiement, ‘l’enveloppe’ peut être échangée contre une autre de son choix, ou un clone de soi-même. Ceux qui ne peuvent se permettre ce luxe se voient transférés dans un corps mis à disposition par l’Etat ou stockés en attente d’un ‘réceptacle’ disponible. Les consciences stockées peuvent êtres réactivées à la demande et contre paiement, puis installées dans un nouveau corps.
Diffusée par la chaîne américaine Netflix début février, la série Altered Carbon évoque donc les problématiques de fond telles que les changements de corps, de genre, le pouvoir de l’immortalité ou le statut de la conscience humaine. Des questions malheureusement éclipsées par une matière narrative extrêmement touffue dans laquelle plusieurs intrigues se téléscopent, rendant parfois la compréhension du récit quelque peu nébuleuse. Préférant les ingrédients qui font les séries à succès, la production a préféré miser sur une atmosphère noire, qui mêle allègrement l’extrême violence, la nudité et le vice démesuré de la race humaine.
«Un placebo pour pallier l’angoisse de la mort»
La série ne fait cependant pas l’impasse sur la dimension religieuse. Le Vatican présent dans la série, uniquement par quelques allusions, réprouve ce clonage de l’âme. Les ‘néo-c’ ou nouveaux catholiques combattent l’idée de réactivation de la ‘pile’ dans un nouveau corps. Ils se battent aussi pour le droit à n’être ressuscités sous aucun prétexte. Leur ‘pile’ possède, un codage religieux qui empêche toute sauvegarde ou réimplantation dans un autre corps. Pour eux, une réactivation condamnerait l’âme véritable de manière irrévocable. Cette dernière étant réellement immortelle, contrairement à une conscience digitalisée.
En définitive, même si dans un lointain avenir l’être humain est réduit à l’état de ‘data’, son corps reste ce qui lui permet de faire l’expérience du monde. Or ce corps continue de mourir. Peut-on dire sans sourciller qu’une copie de données est comparable à l’immortalité? Si notre futur ressemblait d’une quelconque manière à ce qu’imagine Altered Carbon, la technologie qui vaincrait la finitude serait-elle plus qu’un placebo pour pallier l’angoisse de la mort?
Adaptée du premier roman de l’auteur britannique Richard K. Morgan, publié en 2002, Altered Carbon raconte l’histoire de Laurens Bancroft qui cherche à résoudre l’énigme de son propre meurtre. Il fait partie de la classe sociale des ‘Maths’, ou Mathusalem. Considérés comme des dieux, ces humains ont vécu plusieurs centaines d’années dans des corps différents. Ils possèdent la plus grande partie des richesses et du pouvoir. Pour mener son enquête, Bancroft ‘ressuscite’ un ancien soldat d’élite ‘mis en pause’ depuis 250 ans, Takeshi Kovacs. Il lui procure une nouvelle ‘enveloppe’ afin qu’il enquête sur les causes de sa mort. Une mort qui, dans le cas de Bancroft, n’est pas uniquement corporelle, car la personne qui l’a assassiné a aussi détruit sa ‘pile’. Sa conscience digitale a néanmoins survécu, car sauvegardée toutes les 48 heures via un satellite personnel. Elle peut donc être recopiée dans un clone.
Le problème est que Bancroft a été assassiné avant cette fameuse sauvegarde et n’a donc accès qu’aux souvenirs qui précèdent le moment de son meurtre. Le thriller entier questionne l’immortalité dépeinte par Altered Carbon. Ainsi une copie de la conscience est-elle précisément la conscience originelle?
Glossaire:
Pile : dispositif similaire à un disque dur implanté chirurgicalement dans la nuque, à la base du cerveau. La conscience humaine s’y trouve de manière effective, comme un logiciel.
Math : De Mathusalem. Classe sociale la plus élevée. Considérés comme des demi-dieux, ces individus ont déjà vécu plusieurs centaines d’années. Il possèdent la plupart des richesses et du pouvoir.
Néo-c : A la fois, nouveau-catholique combattant l’idée de réactivation de la conscience dans un autre corps. Et aussi, ancien type de codage de la ‘pile’ ne permettant pas de réactivation ou de sauvegarde. En d’autres termes, la conscience des ‘néo-c’ disparaît une fois que le corps meurt.
Data : Plus communément connu sous le terme de données digitales. (cath.ch/myb/mp)
Maurice Page
Portail catholique suisse
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