«C’était une décision très difficile à prendre, étant donné la place qu’occupe cette école dans l’histoire des sœurs», a indiqué le 7 février 2018 au quotidien fribourgeois La Liberté Sœur Anne-Véronique Rossi, supérieure générale de la congrégation de Sainte-Ursule.
L’école compte encore une quarantaine d’élèves des trois niveaux du cycle d’orientation. Depuis quelques années, elle connaît des difficultés de recrutement d’élèves. Ce qui rend la situation financière difficile, d’autant plus que le canton de Fribourg n’accorde pas de subventions aux écoles privées. L’écolage à Sainte-Ursule est proportionnel au revenu imposable des parents, avec un tarif plancher fixé à 900 francs par trimestre.
La responsable évoque également des relations devenues plus difficiles avec la Direction de l’instruction publique, de la culture et du sport (DICS), pour l’accès aux ressources pédagogiques du canton ou à l’offre de formation continue des enseignants notamment. «Nous avions pour ainsi dire un statut semi-public dans une relation de complémentarité avec l’école publique qui reconnaissait nos diplômes. J’ai moi-même participé à la formation des enseignants pour l’école publique. Mais cette complémentarité n’est plus reconnue par l’Etat qui veut désormais une distinction claire entre école publique et école privée et qui accentue ses contrôles», relève Sœur Anne-Véronique pour cath.ch. «La position de l’Etat est logique, mais elle ne tient pas compte de l’histoire de notre institution, qui a précédé l’école publique à Fribourg.»
Le personnel laïc de l’école a été informé le 6 février 2018. Dix enseignants et cinq employés de maison perdront leur emploi. Une procédure de consultation en vue d’un licenciement collectif a été ouverte. Le personnel a jusqu’au 23 février pour formuler des propositions, «Nous avons à cœur de chercher des solutions pour sauver l’école», confient deux enseignants. Les élèves pourront rejoindre les classes des cycles d’orientation liés à leur domicile
L’école secondaire s’était installée en 1989 dans le bâtiment de Sainte Agnès où les religieuses avaient développé une école normale pour la formation des institutrices. Longtemps réservé aux filles, l’établissement était devenu mixte en 1994.
Le «Compendium Instituti Sodalitatis Ursulae», daté de 1625, résume la première règle de vie des religieuses. Publié sous l’autorité de l’évêque de Bâle, il stipule notamment : «Est fondamental pour cet Institut la manière d’aider le prochain: et ce qui lui est le plus propre est d’enseigner les jeunes filles et même aussi les femmes avancées en âge: en premier toutefois, elles prennent soin des plus ignorantes sans aucune distinction de personnes et gratuitement. […] Donc dans ce but, chaque maison ouvre une école pour instruire les jeunes filles». Dès les premières années, l’école de Fribourg compte 150 élèves. Ce nombre montera ensuite jusqu’à plus de 400.
La prospérité du XVIIIe siècle s’achève brutalement à Fribourg avec l’invasion des troupes françaises en 1798. Les sœurs sont chassées, la maison pillée et en partie incendiée. Après quelques années d’exil au monastère de la Maigrauge, les sœurs reprennent possession de leurs biens, mais tout est à reconstruire. Le péril revient dès le milieu du siècle après la défaite des catholiques lors de la guerre du Sonderbund en 1847, et la prise du pouvoir à Fribourg par les radicaux. Les religieuses sont interdites d’enseignement, jusqu’au retour au pouvoir d’un gouvernement conservateur une dizaine d’années plus tard.
Le XXe siècle est celui où la congrégation compte sa plus large expansion. Les sœurs sont sollicitées pour diverses écoles de villages, elles ouvrent l’école normale de Sainte Agnès, l’école de commerce de Gambach, l’école de nurses à Bertigny, l’école normale ménagère. En 1943, quelque 260 religieuses réparties en 29 endroits s’occupent de 2’752 élèves.
Aujourd’hui une petite quarantaine de sœurs sont réparties entre Fribourg, Genève et le Tchad, en Afrique. «Nous prenons de l’âge», constate Sœur Anne-Véronique Rossi. (cath.ch/lib/mp)
Maurice Page
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