Jérusalem au cœur des échanges entre le pape François et Erdogan

Le statut de Jérusalem a été au cœur des échanges entre le pape François et le président turc Recep Tayyip Erdogan reçu en audience au Vatican le 5 février 2018. Aucun chef d’Etat turc n’avait été reçu au Vatican depuis cinquante-neuf ans, lorsque le pape Jean XXIII avait reçu Celal Bayar, en 1959.

Selon le communiqué du Saint-Siège, les deux hommes ont notamment mis en évidence la nécessité de respecter «la légalité internationale» concernant le statut de la ville sainte de Jérusalem qu’Israël a proclamée sa capitale «éternelle et indivisible» après la conquête de la partie arabe de la ville lors de la guerre des Six Jours en 1967. Le droit international a jugé nulle et non avenue cette modification du statut de la ville.

Légalité internationale

L’entretien entre les deux hommes, commencé avec retard, a duré environ 50 minutes. Le pape et le chef d’Etat turc étaient accompagnés de deux traducteurs. Recep Tayyip Erdogan a d’abord remercié le pape pour «l’intérêt» qu’il a exprimé en accordant cette audience. Hormis ces salutations, aucune parole n’a été prononcée durant les premiers instants de la rencontre et avant que les journalistes ne quittent la salle pour laisser place aux échanges.

Selon le communiqué du Saint-Siège, les deux hommes se sont concentrés sur la situation au Moyen-Orient, en particulier sur le statut de Jérusalem. Ils ont ainsi mis en évidence «la nécessité de promouvoir la paix et la stabilité dans la région à travers le dialogue et les négociations, dans le respect des droits humains et de la légalité internationale».

Après la décision du président américain Donald Trump, prise le 6 décembre 2018, de transférer l’ambassade américaine en Israël de Tel Aviv à Jérusalem, le président turc avait appelé le pape le lendemain 7 décembre. Il avait convoqué le 13 décembre un sommet de l’Organisation de coopération islamique à Istanbul avant de recontacter le pontife une seconde fois le 29 décembre. Le 21 décembre dernier, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution considérant comme «nulle et non avenue» toute décision ou action susceptible de «modifier le caractère, le statut ou la composition démographique» de Jérusalem. Un vote qu’avait salué le Saint-Siège.

Minorités chrétiennes en Turquie

Le pape François et le président Erdogan ont également évoqué la condition des communautés catholiques en Turquie ainsi que l’engagement en faveur des nombreux réfugiés présents sur le territoire turc. Après cette audience, le pontife a reçu les prélats de l’Eglise chaldéenne menés par leur patriarche Louis Raphael Sako. Parmi les participants figurait Mgr François Yakan, vicaire patriarcal des chaldéens de Turquie.

Dans la presse italienne le 4 février, le chef d’Etat turc avait par ailleurs rejeté toute option autre qu’une adhésion totale de la Turquie à l’Union européenne. Il avait ainsi écarté la proposition d’un simple «partenariat», avancé par la France.

Après leurs échanges, le président de la Turquie a offert au pontife un tableau en céramique représentant la ville turque d’Istanbul, où l’on aperçoit la coupole de la basilique Saint-Sophie et la fameuse Mosquée bleue. Il y a joint quatre livres de et sur Djalāl ad-Dīn Muḥammad Balkhi Rumi, un poète persan qui a profondément influencé le soufisme, un courant mystique de l’islam sunnite.

«L’ange de la paix étranglant le démon de la guerre»

Le pontife a quant à lui offert un médaillon représentant «l’ange de la paix étranglant le démon de la guerre». «Un symbole d’un monde basé sur la paix et la justice», a expliqué le pape. Il a également remis une gravure ancienne de la basilique Saint-Pierre. Au terme de leur rencontre le pape a demandé à Recep Tayyip Erdogan et son épouse de prier pour lui. «Nous aussi vous demandons vos prières», ont-ils répondu.

Erdogan était accompagné de son épouse, sa fille Esra et son gendre, Berat Albayrak, ministre des Ressources naturelles. Les ministres des Affaires étrangères, de l’Economie, de la Défense et des Affaires européennes faisaient aussi partie de la délégation.

Une guerre appelée «Rameau d’olivier»

Le président turc a par la suite rencontré le cardinal secrétaire d’Etat Pietro Parolin avec Mgr Paul Richard Gallagher, secrétaire pour les relations avec les Etats. Accompagné de sa délégation, il a aussi visité la basilique Saint-Pierre. Le président turc rencontre dans la journée le président de la République italienne, Sergio Matarella, et le président du Conseil, Paolo Gentiloni.

Un important dispositif de sécurité nécessitant la présence de quelque 3’500 agents de police avait été mis en place pour cette visite. Toute la zone du Vatican avait été sécurisée dès la veille. Pendant la rencontre, quelques dizaines de militants kurdes se sont rassemblés devant le château Saint-Ange pour manifester contre la présence du président turc, dont l’armée attaque depuis le 20 janvier dernier les milices kurdes syriennes dans la région d’Afrine, dans la province nord d’Alep. L’offensive militaire meurtrière, menée de concert avec des milices syriennes alliées qu’elle entraîne, a été baptisée «Rameau d’olivier». (cath.ch/imedia/ah/be)

Jacques Berset

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