Si Paul VI, Jean Paul II, Benoît XVI et François se sont tous rendus en Turquie, un seul chef d’Etat turc s’est rendu en visite au Vatican: Celal Bayar en 1959. Cette visite de Recep Erdogan n’est donc pas un simple geste de courtoisie mais a un motif bien précis: discuter de la question de Jérusalem. Le responsable turc veut en effet se faire le porte-parole des pays musulmans sur le statut de la ville sainte.
Après l’annonce le 6 décembre dernier des Etats-Unis de transférer leur ambassade israélienne de Tel Aviv à Jérusalem, le président turc avait ainsi convoqué le 13 décembre un sommet de l’Organisation de coopération islamique à Istanbul, en Turquie, pour dénoncer cette décision. Puis, le 29 décembre, il avait déjà cherché le soutien du pape en lui téléphonant.
Les deux hommes s’étaient alors accordés sur l’importance de «préserver le statut» de Jérusalem. Une position que le pontife avait déjà affirmé à plusieurs reprises, maintenant la préconisation du Saint-Siège pour un «statut spécial, internationalement garanti» permettant l’accès libre aux fidèles chrétiens, juifs et musulmans.
Si le Saint-Siège et la Turquie convergent sur Jérusalem, d’autres sujets font l’objet de divergences, à commencer par la Syrie. Alors que le successeur de Pierre appelle depuis des années à la paix, Ankara renforce actuellement sa présence militaire dans ce pays. En particulier face aux Kurdes syriens, accusés de soutenir les séparatistes kurdes de Turquie.
Par ailleurs, cette visite à Rome du président turc vient tourner une page de brouille diplomatique entre la Turquie et le Vatican. En 2015, l’utilisation par le pape François du mot «génocide» pour qualifier le massacre des Arméniens de Turquie en 1915-1916 avait suscité la colère d’Ankara. Recep Erdogan avait alors parlé «d’erreur», conseillant de se «fier aux historiens» pour éviter «les délires». Le gouvernement turc avait de plus rappelé pendant près d’un an son ambassadeur près le Saint-Siège.
En 2014 déjà, lors de son voyage en Turquie, le pape François avait mis en garde les autorités du pays, dont Recep Erdogan, contre une «déviance fondamentaliste». Une dérive qui s’est malgré tout amplifiée après le coup d’Etat manqué de juillet 2016. Celui-ci a été suivi par une importante purge conjuguée à un renforcement de la place de l’islam dans la société et dans le discours des dirigeants.
Autres sujets qui pourraient être abordés au cours de cette rencontre: l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne – dont les négociations sont au point mort – et le thème des migrants. Dans ses vœux au corps diplomatique le 8 janvier, le pape avait salué l’accueil par les Turcs de réfugiés syriens et avait appelé la communauté internationale à aider leur retour dans leur pays. (cath.ch/imedia/xln/mp)
Maurice Page
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