Véronique Margron, la vérité ou la grâce d'aimer ce siècle

Entre relativisme et fondamentalisme, la vérité n’existe pas sans compassion. C’est en substance la réflexion adressée aux journalistes catholiques par Véronique Margron lors des 22e Journées François de Sales qui se sont tenues à Lourdes du 24 au 26 janvier 2018.

«On n’atteint pas la vérité à cheval, comme des seigneurs, mais dans l’impuissance du pèlerinage». L’image est de saint Thomas d’Aquin. Comme toute dominicaine qui se respecte, Véronique Margron puise dans les auteurs illustres de sa tradition et emmène les 300 journalistes et spécialistes de la communication dans la subtilité de son analyse.

Pour atteindre la vérité – thème de ces 22e journées François de Sales – il faut donc user de ses pieds. Marcher au pas, avancer petit à petit et contourner patiemment différents obstacles. A commencer par la tentation d’abdiquer. La Provinciale de France des Dominicaines cite ici Camus, et sa difficulté de croire dans les capacités de l’intellect face au mystère du mal qui a pris le visage d’Auschwitz – «et de tant d’autres depuis».

En servir la quête

Une telle abdication prend aujourd’hui deux visages, selon Véronique Margron. «Un pluralisme mou, paresseux, où tout se vaut dans une multitudes d’opinions quelconques», d’un côté. «Un fondamentalisme qui compense les faiblesses de la raison», de l’autre. Un fondamentalisme, «qui refuse que la vérité est un chemin à parcourir, qu’elle s’inscrit dans une relation. Un refus de la pluralité des expériences humaines», en définitive.

La vérité se fait dans le lien

Pour la théologienne, il importe de chercher une ligne de crête. «Une voix, avec un ‘x,’ et une voie, avec un ‘e’, se proposent pour les croyants. Nous ne cherchons pas un corpus de doctrines, mais une Personne, qui est la vérité». Et dans cette perspective, «connaître la vérité, ce n’est pas la posséder». Ce n’est peut-être pas non plus la servir. «Plus modestement, il s’agit d’en servir la quête et de tenter d’en vivre».

La vérité est une conversion

«Cette vérité-là demande la grâce d’aimer notre siècle», selon Véronique Margron. «Autrement dit, la grâce de le scruter, de l’interpréter, d’y engager un nécessaire esprit critique, mais aussi de s’y engager dans les défis de la justice et de la paix». Une vérité sans compassion, «c’est peut-être une exactitude, mais ce ne sera pas pour autant une vérité chrétienne. La vérité, toute vérité, se fait dans le lien, dans la relation. Elle est marquée par le soin – soin des lecteurs, pour vous journalistes, des voisins, du peuple de ce monde. Elle est donc avant tout une conversion et non pas une simple acquisition de savoir».

Dans l’hémicycle de Lourdes, on entend voler les mouches. «Ainsi la vérité a partie liée avec la liberté. Elle passe par la chair, le corps. Elle passe toujours par des médiations. Elle ne vient jamais en direct de nulle part – y compris la médiation de l’étude, du temps. Elle est avant tout une alliance et l’on peut se demander quand est-ce que dans nos relations, notre art de vivre, nos articles, nous rompons cette alliance».

La vérité, enfin, «nous implique toujours comme témoins, comme des femmes et des hommes engagés, intelligents, chaotiques, pauvres. Mais autant que possible véritablement, toujours témoins d’une vérité ‘dépassante’: le Christ». (cath.ch/pp)


«Média et vérité» au cœur des 22e journées François de Sales

Les multiples visages de la vérité ont été au cœur des débats des 300 journalistes catholiques réunis à Lourdes du 24 au 26 janvier 2018 pour les 22e Journées François de Sales. Chaque année, depuis 22 ans maintenant, des journalistes des médias catholiques et responsables de la communication de l’Église se rencontrent pour trois jours d’échanges lors des Journées Saint François de Sales en France. Cette année, pour la première fois, ces Journées sont co-organisées par le Secrétariat pour la communication du Saint Siège, la Fédération des Médias Catholiques (anciennement Fédération Française de la Presse Catholique – FFPC) et SIGNIS, l’Association catholique mondiale pour la Communication.

Pierre Pistoletti

Portail catholique suisse

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