Chili: les plaies non cicatrisées des abus sexuels

La participation de Mgr Juan Barros, évêque d’Osorno, au sud du Chili, aux messes célébrées par le pape François à Santiago et à Temuco, a suscité une vive polémique dans la presse chilienne, mais également dans certains secteurs de l’Eglise.

Le pape François a défendu le prélat contesté, accusé de n’avoir pas dénoncé les abus sexuels du Père Fernando Karadima, reconnu coupable d’actes pédophiles par un tribunal du Vatican. Il a été reproché à Mgr Juan Barros – qui a été assailli de questions par les journalistes à chaque apparition, auxquels il n’a d’ailleurs pas répondu – sa proximité avec le prêtre pédophile. Reconnu coupable d’abus sexuels sur mineurs, ce prêtre très charismatique avait été condamné en 2011 par le Vatican à une vie de prière et de pénitence.

Appui apporté à l’évêque d’Osorno

«Le jour où ils m’apportent une preuve contre Mgr Barros, alors je parlerai. Il n’y a pas une seule preuve contre [lui]. Tout cela est de la calomnie, est-ce clair ?», a déclaré le pape François, interrogé par des journalistes chiliens à son arrivée à Iquique, dans l’extrême nord du Chili, le jeudi 18 janvier. L’appui apporté ouvertement à l’évêque d’Osorno, nommé par le pape François en janvier 2015, a provoqué de vives réactions dans une bonne partie des médias chiliens.

Le 16 janvier, le pape avait rencontré de manière privée un petit groupe de victimes d’abus sexuels commis par des prêtres au Chili, avec qui il avait pleuré. Le même jour à Santiago, le pontife leur avait demandé pardon pour ce mal irréparable, et exprimé devant les autorités civiles du pays «sa honte» et sa «douleur» pour ces abus.

L’affaire «Fernando Karadima»

Le 18 janvier, trois victimes de Fernando Karadima – José Andrés Murillo, James Hamilton et Juan Carlos Cruz -, ont déploré le soutien du pape à Mgr Juan Barros. Au cours d’une conférence de presse, ils ont déclaré que le mot «calomnie», utilisé par le pape, signifiait l’imputation d’un fait que l’on sait faux.

«C’est grave et nous ne pouvons pas l’accepter. Mgr Barros a fait partie du cercle intime du Père Karadima pendant 40 ans», ont-ils déclaré. «Les membres de la communauté El Bosque étaient au courant des actes de Karadima (…) Barros savait et n’a jamais dénoncé», a déclaré José Andrés Murillo. Pour les victimes, Mgr Barros avait pris la défense du Père Karadima en se rendant au Vatican.

«Il doit se retirer»

«Si quelqu’un ne peut pas faire son travail de pasteur parce qu’il n’est pas accepté par les fidèles de son diocèse, honnêtement, il doit se retirer», a déclaré au sujet de Mgr Barros le jésuite Paul Walker, aumônier général du Hogar de Cristo. Cette œuvre d’entraide s’occupe des démunis au Chili, un pays qui connaît une forte inégalité entre une petite minorité très riche et la grande majorité du peuple, avec un taux d’extrême pauvreté dépassant les 5 %.

Le jésuite Felipe Hernán Berríos del Sola, écrivain, militant et fondateur des œuvres d’entraide Un Techo para Chile et Infocap, a déclaré pour sa part à télévision Chilevisión que la présence de Mgr Barros parmi les évêques venus assister à la messe papale était une «provocation». «Il aurait dû avoir la dignité de partir, pour ne pas mettre le pape François dans une situation compliquée».

«Polémique inventée»

Mais pour le cardinal Francisco Javier Errázuriz Ossa, archevêque émérite de Santiago du Chili, tout cela est une «polémique inventée, qui n’a pas de fondements». Il a affirmé sur les ondes de la télévision 24 Horas: «Le pape a étudié toute cette affaire. Il est convaincu que Mgr Barros n’a commis aucun crime et qu’il ne changera donc rien». Le cardinal Errázuriz a également été pointé du doigt par les victimes de Karadima pour n’avoir pas pris les mesures appropriées après avoir eu connaissance des actes du prêtre pédophile.

De son côté, Mgr Barros a remercié le pape pour son appui, affirmant une nouvelle fois que les accusations portées contre lui étaient de pures «calomnies» et qu’il poursuivrait son ministère au service de l’Eglise.

«L’Eglise doit faire beaucoup plus pour l’assistance aux victimes»

Le Père Hans Zollner, directeur du Centre pour la protection des mineurs de l’Université pontificale Grégorienne, a souligné la proximité spirituelle du pape avec les victimes d’abus. Le pape a rencontré le 16 janvier à la nonciature apostolique de Santiago du Chili un petit groupe de victimes d’abus sexuels de la part de prêtres.  »La proximité spirituelle du pape est si importante qu’elle leur permet d’effectuer des pas vers la guérison et la réconciliation avec l’Eglise», a  commenté le jésuite sur les ondes de Radio Vaticana Italia.

L’attention du pape envers les victimes

«Ce n’est pas la première fois, a relevé le Père Zollner, membre de la Commission pontificale pour la protection des mineurs. Cela fait voir que l’attention envers les victimes est vraiment au premier plan parmi les priorités du pape François. Lui-même a rencontré dans la maison Sainte-Marthe au Vatican, en juillet 2014, un groupe de victimes d’abus de la part de prêtres. J’étais présent à cette occasion parce que je devais traduire. J’ai donc vu avec mes propres yeux comment le pape réagit face à tellement de souffrance et de douleur. Ce que le pape a dit, à peine arrivé à Santiago, et ce qu’il a fait ensuite en rencontrant des victimes, montre à quel point il en est conscient, et conscient aussi du fait que l’Eglise doit faire beaucoup plus pour l’assistance aux victimes». (cath.ch/com/be)

 

 

 

 

 

 

Jacques Berset

Portail catholique suisse

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