En substance, l’infaillibilité pontificale signifie que le pape ne peut pas se tromper dans ses enseignements en matière de foi et de morale. En ce sens, Léon XIII écrivait en 1885: «il est nécessaire de s’en tenir à une adhésion inébranlable à tout ce que les pontifes romains ont enseigné ou enseigneront».
Elle est tenue pour un dogme dans l’Eglise catholique depuis la fin du XIXe siècle – époque où la papauté et l’Eglise catholique se voyaient malmenées. 100 ans plus tard, l’actuel successeur de Pierre adopte une posture humble et ouverte. Signe d’une évolution possible?
Souvenez-vous: le soir du 13 mars 2013, sur la place Saint-Pierre à Rome. La fumée blanche venait de s’échapper de la cheminée de la chapelle Sixtine, la foule patientait avant qu’apparaisse celui que les cardinaux avaient désigné pour succéder à Benoît XVI.
C’est alors que Jorge Bergoglio se présente au balcon. Le nouveau pape annonce le nom qu’il a choisi d’adopter pour revêtir son rôle: François. Puis il dit deux choses. La première, en substance: avant d’être le pape, le berger de l’Église mondiale, je veux être ce qui est mon titre officiel, évêque de Rome. Tout en admettant la primauté liée à sa fonction, le souverain pontife tout juste élu discerne la place qui est la sienne au sein du collège épiscopal: il n’est pas seul à gouverner, mais partage cet exercice avec les autres «évêques que le Saint-Esprit a établis pour paître le troupeau de Dieu» (voir Actes des Apôtres 20,28). Signe clair de la reconnaissance de sa faillibilité en tant que personne et de la conscience de devoir la dépasser avec le concours de confrères placés localement dans la même situation.
Puis François dit surtout une seconde chose: avant de bénir la foule rassemblée (ce que tous attendaient), le pape demande aux fidèles réunis de prier pour lui. Et il s’incline profondément, dans un geste de soumission. Nouvel acte d’admission de sa fragilité, et affirmation incontestable de sa dépendance du Seul qui, lui, est infaillible: Celui qui par son Saint-Esprit a inspiré les votes du collège cardinalice et que François est désormais appelé à servir en tant que «serviteur des serviteurs de Dieu», selon le beau titre par lequel Grégoire le Grand (au VIe siècle) définit le pape.
Oui, la fragilité humaine ne s’efface pas au moment où une personne assume une fonction de gouvernement et d’autorité. Et le reconnaître est déjà un grand pas pour en franchir les écueils. C’est ce qu’avait d’ailleurs compris Benoît XVI en remettant sa démission quelques semaines plus tôt.
Et n’est-ce pas aussi ce qu’admettait déjà Jean-Paul II, dans son encyclique sur l’œcuménisme (1995), lorsqu’il demandait que les pasteurs et les théologiens des Églises non catholiques l’aident à chercher les formes dans lesquelles le ministère pétrinien pourrait «réaliser un service d’amour reconnu par les uns et par les autres»?
Je suis un frère réformé au sein de la Communauté de Bose, monastère mixte et œcuménique au Nord de l’Italie. Je m’y occupe essentiellement de l’accueil des hôtes, ainsi que de traduction et de publication de textes de spiritualité. Je fais aussi partie du Groupe des Dombes, équipe internationale de théologiens qui travaille à l’unité entre catholiques et protestants.
.
Un dogme et un schisme
La fondation de l’Eglise catholique-chrétienne (ou «vieille-catholique»), troisième Eglise reconnue en Suisse, remonte à la promulgation du dogme de l’infaillibilité en 1870. Elle s’est constituée grâce à la protestation des catholiques libéraux. Parmi eux, des évêques signèrent le 24 septembre 1889, la Déclaration d’Utrecht qui stipule: «Nous repoussons les décrets du Vatican, promulgués le 18 juillet 1870, sur l’infaillibilité et l’épiscopat universel ou omnipotence ecclésiastique du pape. Ces décrets sont en contradiction flagrante avec les croyances de l’Église primitive et bouleversent l’ancienne constitution ecclésiastique.» Cette déclaration constitue l’acte fondateur de la communion des Eglises vieilles-catholiques.
Pierre Pistoletti
Portail catholique suisse