En se rendant au Chili en avril 1987, le pape Jean Paul II avait réalisé l’un des déplacements les plus délicats de son pontificat, tant étaient vives les tensions dans le pays depuis le coup d’Etat du général Pinochet en 1974.
Il lui a toutefois été fortement reproché de ne pas avoir dénoncé assez vigoureusement la dictature et d’avoir été trop complaisant avec le dictateur. Notamment lorsqu’il est apparu avec le général chilien au balcon du Palais présidentiel de la Moneda, à Santiago, là où Salvador Allende s’était suicidé 13 ans auparavant lors du coup d’Etat. Chef d’Etat socialiste, Allende avait dirigé le Chili de novembre 1970 à septembre 1973.
Jean Paul II avait été cependant manipulé ce jour-là par Augusto Pinochet, a rapporté le site italien ACI Stampa. Le dictateur chilien avait attendu le pontife à l’étage du palais plutôt qu’au rez-de-chaussée comme prévu initialement. Le chef d’Etat chilien avait alors incité le pape à bénir la foule amassée devant la fenêtre. Une fois Jean Paul II sur le balcon, Augusto Pinochet l’avait rejoint afin de laisser les photographes immortaliser la scène.
L’incident n’a pas empêché le pontife polonais de multiplier les gestes symboliques durant le reste du voyage. Il a ainsi montré à la foule la bible du Père André Jarlan, prêtre français tué accidentellement le 4 septembre 1984 par des tirs de militaires chiliens. Il a également serré dans ses bras Carmen Gloria Quintana, une jeune femme gravement brûlée par l’armée.
Pour rééquilibrer un peu plus encore la position du Saint-Siège, déstabilisée par l’incident du palais de la Modena, Jean Paul II a même rencontré de façon improvisée des représentants des partis d’opposition. «Au nom de l’Evangile, je demande à tous de rejeter avec force la tentation de recourir à la violence, ce qui est toujours indigne de l’homme (…) vous contribuerez à la suppression des tensions présentes, vous favoriserez le processus de réconciliation nationale», leur avait-il déclaré.
Cette audience exceptionnelle s’était déroulée quelques heures à peine après la messe au parc O’Higgins devant 600’000 fidèles. Des affrontements entre la police et des manifestants anti-régime avaient alors fait 600 blessés. Le pape n’avait pas interrompu la cérémonie mais s’était agenouillé au terme de celle-ci pour prier un long moment en silence, le visage caché dans les mains.
Un an plus tard, Augusto Pinochet a finalement perdu lors du référendum censé confirmer son autorité pour huit ans de plus, mettant un terme à 17 années de dictature. Au cours de cette période, de septembre 1973 à mars 1990, des violations systématiques des droits de l’homme ont été constatées. Les autorités estiment qu’environ 40’000 personnes ont été assassinées, emprisonnées ou torturées pour des raisons politiques. (cath.ch/imedia/ah/gr)
Grégory Roth
Portail catholique suisse
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