La présidente Michelle Bachelet, en saluant le pape François sur les réseaux sociaux, a souligné que le pontife arrivait dans un pays devenu «plus juste, libre et tolérant», mais avec des inégalités qui requièrent un message d’espérance.
Alors que le Chili célèbre le second centenaire de son indépendance, a relevé le pape, le pays a réussi – certes «non sans mal» — à adopter un régime démocratique. Le peuple chilien a vécu pendant plus de 16 ans sous le régime militaire du général putschiste Augusto Pinochet, après le coup d’Etat du 11 septembre 1973, qui fit tomber le gouvernement de Salvador Allende, président élu démocratiquement. Selon les organisations de défense des droits de l’Homme, la dictature de Pinochet a assassiné et fait «disparaître» plus de 3’200 personnes, et torturé des dizaines de milliers d’autres.
Se réjouissant des progrès démocratiques du pays, le pape a toutefois mis en garde: il n’est pas possible de se «contenter» de ce qui a déjà été réalisé, oubliant les injustices persistantes. Pour le pontife, les Chiliens se trouvent donc face à un «défi grand et passionnant»: construire une démocratie au-delà des aspects formels, sans «tentative de division ou de suprématie».
Pour cela, a indiqué le pape, le chemin à suivre est celui de l’écoute des autres: des jeunes, des anciens, des chômeurs, des migrants mais aussi des peuples autochtones du Chili. Les peuples natifs sont trop souvent oubliés, a regretté l’évêque de Rome, alors que leur culture et leur identité font pourtant partie de la richesse du pays, nation de pluralité ethnique.
Pour le pape, ces peuples peuvent notamment apporter leur «sagesse» pour avoir l’audace d’une culture respectueuse de l’environnement face à «l’agression du pouvoir économique». Cette sagesse existe dans les racines du pays et peut l’aider à transcender la conception purement consumériste de l’existence, a-t-il déclaré. Mais elle exige une «option radicale pour la vie», surtout lorsqu’elle est menacée.
Le pape a également demandé d’écouter les enfants, pour leur garantir un «avenir de dignité». Un appel qui concerne tout particulièrement l’Eglise: devant le «mal irréparable» commis par des membres du clergé, le pontife a dénoncé les abus sexuels sur des enfants. «Je ne peux m’empêcher de manifester la douleur et la honte que je ressens face au mal irréparable fait à des enfants par des ministres de l’Eglise», a-t-il dit, dans une claire allusion aux cas d’abus sexuels sur mineurs qui ont notamment touché le Chili. Il faut demander pardon et soutenir les victimes, a insisté l’évêque de Rome, mais aussi s’engager pour que cela ne puisse pas se reproduire. Ces déclarations ont été applaudies par la foule, seule interruption au discours papal.
Le pays a en effet été secoué par plusieurs scandales d’abus sur mineurs, en particulier celles liés au charismatique Père Fernando Karadima. En 2011, il avait été suspendu par le Saint-Siège, c’est-à-dire interdit d’exercer son ministère et condamné à se repentir par une vie de prière. D’après l’ONG américaine Bishop Accountability, près de 80 prêtres, religieux, diacres ont été dénoncés pour abus sexuels au Chili ces dernières années.
Après ce premier discours, le pape François s’est entretenu en privé avec Michelle Bachelet, présidente en exercice du pays. Son successeur, Sebastian Piñera, prendra ses fonctions le 9 mars prochain. Sa présence parmi les autorités a été saluée par le pontife. Après ces deux seules étapes officielles au Chili, le pape doit célébrer la messe au parc O’Higgins de Santiago. (cath.ch/imedia/xln/com/be)
Jacques Berset
Portail catholique suisse
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