Près de 5’000 personnes, en grande majorité des jeunes, sont massées sur la Plaza de Armas (Place d’Armes), dans le centre historique de Lima, en ce dimanche 17 décembre 2017. Ils sont venus de tous les quartiers de la capitale péruvienne à l’invitation de l’archevêché pour fêter les 81 ans du pape François. Devant eux, sur une scène imposante, se succèdent des spectacles de danse et de chants interprétés par d’autres jeunes en tenue immaculée. Au dessus de la scène, un écran géant diffuse en boucle des images du Saint-Père, en alternance avec des affiches annonçant sa venue au Pérou.
Dans la foule, plusieurs jeunes arborent un tee-shirt jaune et violet sur lequel est noté: «Pape François, Lima 2018, Unis dans l’espérance». Regardés avec un brin d’admiration par leurs voisins, ils font partie des quelque 30’000 jeunes qui composeront la «Garde du pape» du 18 au 21 janvier, et dont la mission consistera à offrir un soutien logistique aux 2 à 5 millions de personnes attendues dans les rues et les lieux de regroupement des trois villes, Lima, Trujillo (Nord-Ouest) et Puerto Maldonado (Sud-Est), que visitera le pape François.
Pérou Les jeunes volontaires de la ‘Garde du pape’ | © Jean-Claude Gerez
«L’idée de créer cette garde vient du cardinal Juan Luis Cipriani, explique Carlos Montalván, coordinateur général de la Garde du pape. Elle répond avant tout à un souhait du Saint-Père de rencontrer la jeunesse et de faire en sorte que ces jeunes se sentent dignes d’intérêt et utiles». Le coordinateur général rappelle d’ailleurs que le pape François lui-même avait invité les jeunes «à ne pas rester au balcon de la vie». Et manifestement, le message a été bien reçu au Pérou.
«Le processus de recrutement a été lancé le 24 juillet 2017 via un site internet de l’archevêché de Lima, précise Carlos Montalván. Il y a d’abord eu une pré-inscription où les jeunes devaient donner des informations basiques». Des filtres ? «Seuls les jeunes ayant des antécédents judiciaires n’ont pas été retenus», assure le responsable. Le profil des jeunes ? «L’âge moyen est de 23 ans, les deux tiers (67%) sont des jeunes filles et des femmes, et il y a plus d’étudiants que de travailleurs. Ce qui est normal, souligne Carlos Montalván, car ils sont plus disponibles».
Autre caractéristique de ce panel, la présence majoritaire de jeunes issus de quartiers modestes. «Rien de surprenant, sourit Carlos Montalván. Car les jeunes qui ont de l’argent vont à la plage en cette période estivale au Pérou». En revanche, ce qui a surpris le coordinateur comme le cardinal Cipriani, c’est l’engouement. Fin août, près de 20’000 candidats s’étaient déjà inscrits. Et le site continuait d’enregistrer de nouvelles candidatures. «Aujourd’hui, nous en sommes à 30’000 candidatures. C’est suffisant !»
Après les préinscriptions, les candidats ont reçu un courriel leur demandant de choisir vers quels types d’activité ils souhaitaient être orientés. Accueil, information, animation, secteur médical, communication… Au total, les candidats ont pu choisir entre huit domaines et la répartition a, semble t il, été relativement facile à effectuer. Restait à former les jeunes. Une formation évidemment basée sur le service à rendre, mais surtout sur la dimension spirituelle de ce bénévolat. En commençant par une clarification sémantique.
Au début, le terme de «garde» a été interprété par le grand public dans un esprit d’agents de sécurité, admet Carlos Montalván. «En fait, le sens est celui de ‘dépositaire’ ou de ‘garant’ du message de foi qu’apporte le Saint-Père. Nous espérons que ces jeunes seront les dépositaires de ce message avant, durant et après son passage dans notre pays».
«AVANT, parce que ces jeunes sont formés, directement ou virtuellement, aux missions spécifiques qu’ils devront remplir. Mais ils sont aussi formés spirituellement sur qui est le pape et quel est son message. PENDANT, car du 18 au 21 janvier, ils seront au côté de leurs frères qui veulent vivre l’expérience chrétienne d’accompagner François, avec joie et bonne volonté. APRÈS, parce qu’après la vague de travail mais aussi de bénédictions reçues, ils devront être les premiers, dans leurs maisons, rues et quartiers, universités et lieux de travail, à partager leur expérience et faire savoir ce que François a voulu communiquer à travers ses paroles et ses gestes».
En fait, pour Carlos Montalván, cette charge de «garde du pape» comprend trois caractéristiques. «La première, c’est le service. Celui d’information, d’orientation, de conseil, d’assistance, etc… que rendront les jeunes aux personnes venues à la rencontre du pape». La deuxième caractéristique, c’est la communion. «Les jeunes doivent vivre l’événement en se rappelant que même s’ils appartiennent à des communautés, quartiers et diocèses différents, ce qui doit primer est le slogan officiel: ‘Unis dans l’espérance’. Mais la principale communion est évidemment celle avec Dieu».
Troisième caractéristique, aux yeux de Carlos Montalván, c’est celle du témoignage. «C’est lié au fait d’avoir une vie cohérente, car il ne suffit pas d’avoir été sélectionné et de revêtir le tee-shirt des gardes pour prendre un selfie. S’il reconnaît que la pression et les responsabilités sont importantes, il espère que les jeunes seront respectés par la population, car le pape vient partager sa foi profonde avec la jeunesse péruvienne. jcg
Le Kung Fu ou Dieu. Voilà le dilemme vécu par Carlos Lamas Sernaqué durant une partie de son adolescence. «Je suis né dans une famille avec un père très catholique, explique ce jeune homme de 24 ans au physique imposant. A 12 ans, j’ai fait ma première communion, mais peu après, j’ai commencé à pratiquer des arts martiaux et j’ai oublié Dieu». Puis Carlos se blesse sérieusement à la jambe. «Trois médecins m’ont assuré que je ne pourrai plus marcher normalement». Refusant de les croire, il entame une longue réhabilitation.
Un jour, alors qu’il se lamentait sur son sort, Carlos interpelle Dieu. «Si tu existes vraiment, aide-moi à te rencontrer». Quelques jours plus tard, il trouve une vieille Bible au fond d’un tiroir. Il l’ouvre et lit: «Ton Dieu ordonne que tu sois puissant» (Psaume 68: 29). Le dimanche suivant, l’adolescent retourne à la messe. «Je revenais vers la communion pour recevoir l’eucharistie. Avec mes béquilles». Et une foi décuplée.
Le temps passe et la blessure s’améliore de manière étonnante. Non seulement Carlos peut marcher, mais il reprend aussi le sport. Pourtant, rien n’est plus comme avant. «Entre 17 et 18 ans, j’ai voulu prendre le temps de savoir si j’avais la vocation». Carlos fait alors une retraite spirituelle puis rentre dans le cycle vocationnel. En 2014, il part vivre un mois chez des religieux. Verdict ? «Je me suis rendu compte que j’avais envie de construire une famille et de servir Dieu d’une autre manière».
Désormais physiothérapeute, travaillant notamment avec des sportifs de haut niveau ayant été victimes de graves blessures, Carlos fait partie du mouvement du Renouveau Charismatique, «où l’on compte beaucoup de jeunes», assure-t-il. C’est dans ce cadre qu’il a appris l’existence des «Garde du pape», pour lequel il assure qu’il sera disponible 24 heures sur 24 «pour servir».
Quand on lui demande ce qu’il attend de cette visite, Carlos est persuadé que le pape François «va donner beaucoup d’amour, générer beaucoup d’espérance et apporter beaucoup de paix dans les cœurs». Comme celle que Carlos a ressentie le jour où il a posé ses béquilles. Convaincu que désormais, il consacrerait sa vie au Kung-fu ET à Dieu.
Pia Galiano Huayameres a toujours été très croyante. «Mon prénom, ‘Pia’, vient de ‘Piadosa’, pieuse», explique cette jeune femme, au sourire lumineux et au regard rieur. D’ailleurs, son premier souvenir de vie est celui d’une messe. «J’avais trois ans. J’étais très silencieuse et très sage». Dix-neuf ans plus tard, c’est également lors d’une messe que Pia va ressentir l’une de ses plus grande joie de sa vie de croyante: «C’est par la voix du curé de ma paroisse que j’ai appris que le pape François allait venir au Pérou, sourit-elle. Et j’ai alors éprouvé une joie profonde».
La «joie» est un mot que Pia utilise souvent. C’est d’ailleurs le premier terme qui lui vient à l’esprit lorsqu’on lui demande d’évoquer ses qualités. Pourtant la vie de cette étudiante en communication sociale n’a pas toujours été simple. «Je n’ai connu ma mère qu’à l’âge de 15 ans, et je ne connais pas encore mon père, explique-t-elle. Mais le voile de mélancolie qui passe dans son regard s’estompe immédiatement lorsqu’elle évoque ses grands-parents maternels, Betty et Manuel, qui l’ont élevée. «J’ai eu une enfance très heureuse et j’ai eu beaucoup de chance d’avoir grandi à la campagne», assure-t-elle. Des grands-parents aimants et eux aussi très pieux.
«Mon père, enfin mon grand-père, a toujours été très présent dans mon parcours religieux». Que ce soit à l’âge de huit ans, lorsque Pia a découvert sa foi, ou à quinze, lorsqu’elle assure avoir eu une «rencontre» avec Dieu. Paradoxalement, c’est en ne lui laissant pas faire sa confirmation avec ses amis que le papa/papi lui a le plus montré le chemin de croyante. «Il m’a dit que la confirmation était un moment personnel avec Dieu et pas quelque chose que l’on faisait parce que nos amis le faisaient».
La mort du grand-père a quelque peu ébranlé sa foi. «Mais l’étape la plus difficile, c’est il y a deux ans, lorsque j’ai appris que je souffrais d’une fibromyalgie, une maladie qui provoque de fortes douleurs musculaires. Ça m’a coûté, car je suis dynamique. Du coup, je suis passée par une année de désert spirituel». Mais rien de définitif. Au contraire, puisque Pia a même été jusqu’à faire une retraite vocationnelle l’an dernier, dont elle est néanmoins sortie avec la conviction qu’elle était faite pour construire une famille.
En attendant, son proche avenir se conjugue avec la venue du pape François. «Nous nous sentons importants, en tant que jeunes, de faire partie de la Garde du pape, car l’Eglise nous donne ce sentiment», s’enthousiasme-t-elle pour expliquer son engagement. Mais c’est sans doute le sentiment de communion avec Dieu et avec les autres jeunes qui ont le plus poussé Pia à faire partie des 30’000 gardes. «Malgré la différence des réalités et de milieux sociaux qui existe parmi nous, je veux croire que, après le voyage du pape, nous, les jeunes, nous garderons le contact et la joie». (cath.ch/jcg/be)
Jacques Berset
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