La renonciation de Mgr Vingt-Trois était attendue. Ayant atteint le 7 novembre l’âge de 75 ans, auquel tous les évêques sont tenus de présenter leur démission au pontife, le prélat français avait été très affaibli au début de l’année 2017 par un syndrome de Guillain-Barré, une maladie inflammatoire touchant les membres périphériques.
Lorsque Jean Paul II, à la fin de son pontificat, décide en février 2005 de nommer Mgr Vingt-Trois comme archevêque de Paris, il fait le choix de la continuité. André Vingt-Trois est souvent considéré comme le ›fils spirituel’ – et même comme l’héritier choisi – de son prédécesseur à ce siège épiscopal, le cardinal Jean-Marie Lustiger (de 1981 à 2005).
Ordonné en 1969, le Père Vingt-Trois est en effet un Parisien de longue date et son itinéraire est indissociable de celui de Jean-Marie Lustiger, dont il a été un des plus proches collaborateurs: vicaire à la paroisse Sainte-Jeanne-de-Chantal (1969-1974) dont le curé était le Père Lustiger, puis secrétaire particulier de Mgr Lustiger devenu archevêque de Paris, enfin vicaire général (1981-1999) et évêque auxiliaire du diocèse (1988-1999).
Après une période de six ans, de 1999 à 2005, à la tête de l’archidiocèse de Tours, Mgr Vingt-Trois devient archevêque de Paris Il s’inscrit dans le sillage de son prédécesseur. Que ce soit pour le séminaire parisien, divisé en petites maisonnées, ou le chantier du collège des Bernardins, lieu de dialogue avec la culture, les intuitions du cardinal Lustiger sont poursuivies.
Parmi les grands chantiers: les Assises de la mission, qui se sont déroulées en 2008-2009 à Paris. Grande réflexion à l’échelle de l’archidiocèse, celles-ci aboutiront au niveau paroissial dans le projet ›Paroisses au mission’, de 2009 à 2012. Le cardinal Vingt-Trois a ainsi voulu donner une nouvelle dynamique à l’évangélisation dans le diocèse, quatre ans avant l’élection du pape François et de son invitation à aller «aux périphéries».
Dans une homélie devant les évêques français le 7 novembre dernier, jour de ses 75 ans, l’archevêque de Paris s’interrogeait ainsi sur une attitude «timorée», qui se satisfaisait du «petit nombre des convaincus face au grand nombre des hésitants». Plutôt que des chrétiens «étiquetés, mesurés, vérifiés» mais peu nombreux, il appelait à renouveler l’évangélisation par un «christianisme du peuple», même si selon lui cela peut être parfois inconfortable et plus imprécis.
Différence notable avec le cardinal Lustiger: la personnalité plus conciliante d’André Vingt-Trois qui lui vaut d’être élu à la tête de la Conférence des évêques de France (CEF) de 2007 à 2013. Ces deux fonctions cumulées – archevêque de Paris et président de la CEF – l’amènent à porter la voix de l’Eglise dans le champ politique français, où il est considéré comme un interlocuteur de qualité, du fait de sa grande profondeur intellectuelle.
A ce titre, il s’exprime publiquement sur de nombreux sujets, faisant valoir habilement l’enseignement de l’Eglise, particulièrement sur les sujets de l’éducation, de la bioéthique et de la famille. Notamment en 2012-2013, où il est le premier à s’opposer publiquement au projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe – la loi Taubira.
Le cardinal Vingt-Trois est de fait reconnu comme un spécialiste des questions sur la famille. Dès 1995, il est nommé membre du Conseil pontifical pour la famille. A ce titre, il est aussi l’un des trois présidents délégués du Synode des évêques sur la famille de 2014 et 2015 à Rome. Tout en demeurant attaché à une vision traditionnelle de la famille, il fait le lien, par son sens politique, avec les partisans d’une doctrine plus libérale.
Au Vatican, le cardinal Vingt-Trois s’est également impliqué dans les nominations des évêques. Membre de la Congrégation pour les évêques depuis 2007, il se rend presque systématiquement à la plénière mensuelle de ce dicastère. Il a donc joué un rôle important dans le renouvellement de l’épiscopat français sous les pontificats de Benoît XVI et de François. Par ailleurs, André Vingt-Trois est membre de la Congrégation pour les Eglises orientales depuis 2012.
Créé cardinal par Benoît XVI en 2007, il a participé au conclave de 2013 ayant élu le pape François. S’il n’était pas vu comme un papabile, le cardinal Vingt-Trois a pu être un acteur de poids, dont la voix a particulièrement compté lors des congrégations cardinalices. André Vingt-Trois reste électeur en cas de conclave jusqu’au 7 novembre 2022, date à laquelle il atteindra l’âge limite de 80 ans. (cath.ch/imedia/xln/rz)
Raphaël Zbinden
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