Secrétaire du Dicastère pour le service du développement humain intégral, organisateur du colloque, le Père Bruno-Marie Duffé insiste sur les choix politiques à opérer de la part des Etats.
Il semble qu’au cours de ce symposium sur les armes nucléaires, le Saint-Siège veuille insister sur l’aspect économique…
L’argent est le nerf de la guerre, c’est vraiment le cas de le dire. La question est de savoir dans quel secteur voulons-nous mettre de l’argent et des compétences? Deuxième interrogation: est-il vrai que la sécurité s’obtient en investissant de l’argent dans l’armement? Je remarque au passage que comme dans toutes les situations de crise, les producteurs et marchands d’armes se portent bien. Il y a donc une idéologie sécuritaire qui consiste à dire qu’en étant armés, on maintient l’équilibre des forces au plan international. Mais cet équilibre est très fragile, car il repose sur la peur. Est-ce qu’on peut fonder une politique sur la peur? Je ne le crois pas.
Quelle est précisément la responsabilité morale des Etats?
Elle concerne l’Occident en particulier, dans le domaine du transfert de technologies. Si de plus en plus de pays ont l’arme atomique, c’est parce que nous leur avons transmis. Et de quel type s’agit-il: du nucléaire civil à usage médical ou énergétique, ou du nucléaire militaire à usage destructif? On peut avancer l’hypothèse que le second est majoritaire dans nos exportations. Il s’agit d’une décision politique.
Est-il possible de réconcilier politique et morale?
C’est très difficile, parce que la politique est très dépendante des contraintes économique. Mais cela conduit à une fuite en avant de l’économie. La politique a donc besoin d’un autre point d’appui, qui est moral. Il ne s’agit pas de faire la leçon, mais d’apporter des convictions, une pensée, pour structurer la décision politique, au-delà des stratégies politiciennes.
Dans le cadre de fortes tensions nucléaires en Corée du Nord, ce symposium se déroule-t-il à un moment critique?
Il est vrai que l’actualité radicalise les questions autour des armes nucléaires. Pas seulement en raison de la menace de tel ou tel pays, mais aussi du fait d’un contexte de crise internationale. Aujourd’hui, les Etats sont fragilisés, et donc les institutions internationales avec eux. Or ceux-ci ont une responsabilité morale. Mais ce qui frappe également, c’est que l’on parle très peu de coopération ou d’alliance entre Etats.
Que peut faire la communauté internationale face à la menace nucléaire en Corée du Nord?
Il y a le sentiment d’une certaine impuissance, de devoir soulever une grande montagne… Mais je crois à la stratégie du dialogue, à terme beaucoup plus fructueuse que la menace, la surenchère, qui est une logique de spirale.
Celle de Donald Trump…?
Disons celle de la peur. A l’inverse, j’ai rencontré récemment le président de la Conférence des évêques sud-coréens. Ceux-ci ne se résignent pas à la rupture avec leurs frères de Corée du Nord. C’est pourquoi l’Eglise essaie de promouvoir un dialogue, entre religions et responsables politique au sud, mais également avec le nord, en considérant que les Coréens sont un seul peuple. (cath.ch/ap/bh)
Bernard Hallet
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