Le 7 novembre, la session des évêques et des cardinaux de la Congrégation pour les causes des saints a reconnu par un vote positif unanime les vertus héroïques de Jean Paul Ier, a annoncé le quotidien italien Avvenire. Une décision similaire à celle qu’avait rendue le congrès des théologiens en juin dernier.
Après sa mort, de nombreux fidèles ont demandé l’ouverture de la cause en béatification d’Albino Luciani. Une pétition signée par les évêques brésiliens en 1990 était à l’origine de la procédure. La cause en béatification a été renforcée par la guérison d’une tumeur en 1992, de Giuseppe Denora, un italien habitant Altamura, dans la province des Pouilles. Une guérison par l’intercession de Jean Paul Ier.
La procédure a été abandonnée en 2015, puis rouverte en juillet 2016. Un procès en béatification est finalement ouvert en 2003. L’enquête sur le cas de la guérison miraculeuse, ouverte en 2008, sera validée en 2015 par la Congrégation pour les causes des saints.
Elu pape le 26 août 1978 sous le nom de Jean Paul Ier, il meurt le 28 septembre à Rome. Son pontificat n’aura duré que 33 jours. Elu dès le premier jour de scrutin, il prononce alors ces mots restés célèbres: «tempestas magna est super me» – une grande tempête est sur moi.
Dès le début de son pontificat, on remarque sa simplicité et son sourire permanent, qui lui vaudront le surnom de «pape du sourire». Malgré sa brièveté, son pontificat «n’a pas été le passage d’un météore qui s’éteint après un bref trajet», a récemment affirmé le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’Etat du Saint-Siège.
Pasteur proche de son peuple, le pape Luciani affirmait notamment: «Si vous rencontrez une erreur, plutôt que de la déraciner ou de la pourfendre, voyez si vous pouvez la traiter avec patience et permettre à la lumière d’éclairer le noyau de Bon et de Vrai, qui, en général, ne manque pas de s’y trouver».
Ce qui n’empêche pas sa fermeté sur le plan doctrinal. En un mois de pontificat, sur un sujet brûlant, Jean Paul Ier défend les positions prises par son prédécesseur Paul VI dans son encyclique Humanae Vitae: il confirme l’opposition de l’Eglise à l’avortement et à la contraception.
Il engage aussi sans fléchir une réforme interne au Vatican. Informé de malversations supposées à la Banque du Vatican, il demande au cardinal Jean-Marie Villot, secrétaire d’Etat, de mener une enquête de fond. Il est très sensible à la question de la pauvreté, et affirme l’importance de donner un «salaire équitable» à tous.
De sa spiritualité on connaît sa dévotion pour sainte Thérèse de Lisieux, comme le pontife actuel. Sans doute s’est-il rapproché d’elle par la maladie: comme la sainte normande, on lui avait diagnostiqué, à tort, une tuberculose – en fait une pneumonie.
Dans son livre Illustrissimi, Jean Paul Ier affirme qu’au lieu d’une «petite fleur blanche», il a découvert en Thérèse de Lisieux, «l’histoire d’une barre d’acier, par la force de volonté, le courage et la décision qu’elle révélait».
Les quatre uniques audiences générales de son pontificat auront pour thèmes l’humilité, la foi, l’espérance et la charité. A la fin de sa quatrième audience, jour de la veille de sa mort, le peuple l’acclame et lui souhaite une longue vie.
Jean-Paul Ier meurt dans la nuit du 26 septembre 1978. Le corps du pontife est retrouvé vers 5h du matin, assis sur son lit, une lampe de chevet allumée, portant ses lunettes de lecture et tenant quelques feuillets dans les mains.
Des rumeurs circuleront ensuite, touchant aux circonstances mystérieuses de sa mort – son autopsie aurait été refusée. Dans son ouvrage intitulé Le pape doit mourir : enquête sur la mort suspecte de Jean Paul Ier, David Yallop, publié en 2013, tend à démontrer que le prédécesseur de Jean Paul II a été victime d’un assassinat.
Selon lui, le pontife de l’époque souhaitait mettre de l’ordre dans les affaires de l’Eglise. Et en particulier dans les malversations financières de Mgr Paul Marcinkus, à la tête de la banque du Vatican (IOR), dans un contexte trouble de liens avec la mafia et avec la loge maçonnique P2.
Cette théorie vient d’être contestée par la journaliste Stefania Falasca, qui est aussi vice-postulatrice de la cause de béatification d’Albino Luciani. Dans son livre intitulé Jean Paul Ier : chronique d’une mort, paru le 7 novembre 2017 en Italie, la journaliste s’appuie sur le témoignage de Sœur Margherita Martin, la religieuse qui avait découvert le corps sans vie du pape.
Dans sa préface, le cardinal Parolin affirme que ce livre ouvre la voie à de nouvelles études sérieuses sur l’œuvre d’Albino Luciani, dégagées de «l’hypothèse du complot» et des «illusions».
Né le 17 octobre 1912, Albino Luciani est né dans une famille très modeste de Vénétie, dans le nord-est de l’Italie. Un père ouvrier artisan, anticlérical. Une mère, catholique fervente, qui encourage très tôt la vocation précoce de son fils. Elève brillant au séminaire, il est ordonné prêtre en 1935, et enseigne la théologie dogmatique.
En 1958, il est consacré évêque de Vittorio Veneto par Jean XXIII et à ce titre, participe au concile Vatican II. Devenu patriarche de Venise en 1969, il prend trois ans plus tard la vice-présidence de la conférence épiscopale italienne. Il est élevé à la pourpre cardinalice en 1973, par Paul VI. Devenu pape, il prend ainsi, à 66 ans, le nom de Jean Paul Ier, en l’honneur de ses deux prédécesseurs directs, Jean XXIII et Paul VI. Inhumé le 4 octobre 1978, Jean Paul Ier repose dans la crypte de la basilique Saint-Pierre. Depuis Jean XXIII, il s’agit ainsi du 4e pontife à être engagé sur la voie de la béatification.
Jean XXIII a été canonisé en même temps que Jean Paul II en 2014, Paul VI a été béatifié également en 2014 par le pape François. Pour ce qui concerne Pie XII, déclaré Vénérable, sa cause est en attente. Jean Paul Ier est aussi le dernier pape de nationalité italienne. (cath.ch/imedia/bh)
Bernard Hallet
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