L’Etat égyptien a cependant réagi: il a décidé d’inscrire la synagogue de Menasce (Menasha) sur la liste du patrimoine égyptien et de restaurer la synagogue d’Eliahou Hanabi, sur la liste du patrimoine depuis 1987. Toutes deux se trouvent dans la ville d’Alexandrie, sur la Méditerranée, où la communauté juive, composée majoritairement de Marocains, de Turcs, d’Italiens, d’Espagnols et de Français, s’était constituée par l’immigration au cours du XIXe siècle et jusqu’à la Deuxième guerre mondiale.
A l’époque de l’établissement d’Israël, la communauté juive était l’une des plus importantes communautés étrangères d’Alexandrie. Elle était estimée à plus de 40’000 membres (soit presque la moitié des juifs d’Egypte), dont près de 40% étaient apatrides, 25 % possédaient une nationalité européenne et près de 35% avaient la nationalité égyptienne, selon l’association internationale Nebi Daniel–Patrimoine des Juifs d’Egypte, composée d’anciens juifs d’Egypte.
L’Egypte compte aujourd’hui une dizaine de synagogues et d’innombrables objets religieux, souvent délaissés. Comme nombre d’autres antiquités égyptiennes, les monuments juifs ont grand besoin de restauration. Le pays comptait jusqu’en 1930 près de 78 synagogues et oratoires, dont une vingtaine à Alexandrie. Aujourd’hui, il ne reste dans la ville côtière que 5 synagogues, dont la plupart sont fermées, comme la synagogue de Menasce, construite en 1860 dans le quartier de Manchiya, celle d’Eliahou Hazan, bâtie en 1928 dans le quartier de Sporting, et la synagogue de Green, bâtie en 1901 à Moharram Bey.
Dans le cadre d’un large projet visant à protéger le patrimoine juif d’Alexandrie, le ministère égyptien des Antiquités vient d’inscrire la synagogue de Yacoub Menasce sur la liste du patrimoine égyptien.
Juif d’origine espagnole, fils de banquier, Yacoub Menasce est le premier chef de la communauté juive d’Alexandrie. Sa famille est l’une des plus célèbres de l’élite aristocratique juive de la ville. A part la construction de la synagogue, elle a édifié des écoles, des palais et un hôpital qui existent tous encore actuellement dans le quartier de Moharram Bey, au centre-ville d’Alexandrie.
Vieille de près de 160 ans, cette synagogue est l’un des bâtiments historiques qui dominent la place Manchiya. «C’est, en fait, l’un des monuments juifs les plus remarquables et les plus anciens. Les juifs ont considérablement enrichi l’économie de la ville à l’ère de Mohamad Ali Pacha au XIXe siècle», peut-on lire sur le site http://hebdo.ahram.org.eg.
Considérée comme l’une des plus anciennes d’Egypte, cette synagogue a été construite en 1860 sous le khédive Ismaïl Pacha, place des consuls (l’actuelle Manchiya), afin d’accueillir les juifs qui voulaient pratiquer librement leurs rites, déclare Mohamad Metwalli, directeur des monuments islamiques, coptes et juifs d’Alexandrie.
La décision du ministère des Antiquités égyptiennes d’inscrire plusieurs monuments juifs sur la liste du patrimoine confirme l’intérêt accordé à cet héritage sans tenir compte de son affiliation religieuse. L’inscription de la synagogue sur la liste du patrimoine intervient quelques jours après celle de trois célèbres cimetières juifs situés dans la région est d’Alexandrie: Chatbi 1, Chatbi 2 et Azarita. Vieux de 170 ans, ces cimetières ont une importante valeur archéologique et historique.
Au milieu du XXe siècle, les juifs égyptiens étaient entre 80’000 et 120’000, selon différentes estimations. Leur contribution à l’économie de la société égyptienne moderne a été saluée dans des domaines divers, tels que le commerce ou l’industrie du coton, souligne le média égyptien.
D’autre part, le ministère des Antiquités vient de lancer un projet de restauration de la synagogue d’Eliahou Hanabi, l’une des plus importantes d’Alexandrie, construite il y a plus de 150 ans. Fermée il y a deux ans, cette synagogue, dont une grande partie du plafond s’était affaissé, est finalement en train d’être restaurée sous la supervision d’archéologues et d’experts du ministère des Antiquités, aux frais de l’Etat.
Construite à l’origine en 1354 pour accueillir plus de 700 personnes, Eliahou Hanabi est consi-dérée comme l’une des plus grandes synagogues d’Egypte et du Proche-Orient, selon le site internet de la Tribune Juive. «Elle a été attaquée à coups de canons par les forces françaises en 1798 lors de leur invasion de l’Egypte, lorsque Napoléon Bonaparte a ordonné sa démolition pour créer, à sa place, une zone militaire. Dans les années 1850 et pendant le règne de la famille royale de Mohamad Ali, elle a été reconstruite avec l’aide de la famille juive italienne Cicurel, qui vivait alors en Egypte».
La Tribune Juive note que cette synagogue, qui abrite aussi le tribunal juif, possède encore plus de 50 anciennes copies de la Bible ainsi qu’une collection de livres et de manuscrits juifs rares datant du XVe siècle et inscrits au patrimoine archéologique égyptien.
L’archéologue égyptien Ahmad Abdel-Fattah déplore qu’au cours des années passées, le gouvernement n’a pas accordé suffisamment d’attention à ce genre de monuments malgré leur importance majeure pour la civilisation et l’histoire égyptiennes. «Ils constituent un vrai témoin de l’époque de la tolérance religieuse et de la coexistence en Egypte au cours des siècles».
«Ils renferment des éléments archéologiques importants et des tombes d’une splendide beauté, dotées d’écritures historiques qui racontent la période pendant laquelle les juifs vivaient en Egypte. Ces tombes ont une grande valeur et doivent être préservées», déclare Mohamad Metwalli. Il ajoute que les trois cimetières renferment 20’000 tombes où sont enterrés les membres de familles juives célèbres, comme celle du baron Yacoub de Menasce, fondateur de la communauté juive d’Alexandrie en 1870 et propriétaire de la synagogue de Menasce. (cath.ch/ahram/tj/be)
Jacques Berset
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