Les chiffres 2016 de la violence contre les communautés indigènes sont éloquents. 118 morts, 106 suicides, 735 cas de mortalité infantile. Le rapport pour l’année 2016 du Conseil indigéniste missionnaire (Cimi) dresse un portrait édifiant de la faillite de l’État en ce qui concerne l’aide et la protection des droits des ethnies réparties sur l’ensemble du pays. «La situation des indigènes du Brésil consolide l’idéologie ‘ruraliste’ d’accaparement des terres (du nom du groupe parlementaire composé d’élus proches des grands propriétaires et de l’agrobusiness, majoritaire à l’Assemblée et au Sénat) soutenue par le président Michel Temer, et qui a fait exploser le nombre de menaces contre les peuples indigènes.»
Pour Mgr Roque Paloshi, archevêque de Porto Velho, en Amazonie, et président du Cimi, au-delà du racisme qui perdure au sein de la société brésilienne, l’intolérance stimulée publiquement par de nombreux représentants des pouvoirs publics expose les peuples indigènes aux menaces et entraîne des agressions toujours plus brutales. Ces personnes méprisent ou dévalorisent les droits constitutionnels des peuples et des communautés natives et traditionnelles. Elles poussent délibérément les agriculteurs à utiliser tous les moyens pour empêcher les initiatives des collectivités spoliées et dont les droits ne sont pas respectés.
Le rapport dénonce également la baisse des budgets alloués à la Fondation nationale de l’Indien (FUNAI), un organisme public chargé de veiller à la défense des droits des peuples indigènes garantis par la Constitution de 1988, et à l’Institut national de la colonisation et de la réforme agraire (INCRA), chargé, notamment, de redistribuer les terres illégalement occupées aux petits paysans et aux communautés natives. «Les budgets 2016 de ces deux entités ont été les plus faibles depuis dix ans, déplore Ricardo Verdum, anthropologue social au sein de l’Université de Brasilia. Aucun poste de budget spécifique n’a été épargné».
«La démarcation des terres a l’habitude d’être le cadet des soucis des pouvoirs en place, souligne le rapport. Mais l’année 2016 a démontré que les pressions des élus ‘ruralistes’ ont fait empirer la situation.» D’après le Cimi, si le total du nombre de demandes de démarcations de terres est passé de 1’113 en 2015 à 1’296 en 2016, à y regarder de plus près seulement un tiers de ces terres (30,9%) font l’objet d’un examen d’homologation et la lenteur des processus inquiète. «Selon les chiffres actualisés de septembre 2017, 836 demandes de démarcation de terres indigènes (64,5% du total) n’ont toujours pas été examinées et aucune nouvelle terre n’a été homologuée par Michel Temer depuis son entrée en fonction (n.d.l.r. le 31 août 2016)», rappellent les auteurs du rapport. De quoi inquiéter puisque les violences dont sont victimes les peuples indigènes sont largement liées à l’absence de reconnaissance de leurs terres.»
Au-delà des 118 morts et des 106 suicides, en grande partie dans les régions de l’Amazonie et du Mato Grosso du Sud, le Cimi annonce également dans le rapport 735 cas de mortalité infantile, soit une augmentation de 23% par rapport à 2015. Des décès dont les causes sont, en majorité, la pneumonie, la diarrhée et la gastro-entérite d’origine infectieuse, soit des maladies parfaitement curables. Une situation largement liée, pour le Cimi, à «l’inefficacité des Districts sanitaires spéciaux pour les peuples Indigènes (Dsei)», les services de l’État chargés de veiller à la santé des peuples indigènes, notamment au coeur d’une Amazonie difficile d’accès. Autre tendance qui inquiète les agents du Cimi, l’augmentation des violences intra-communautaires, qui indiquent la déstructuration progressive de diverses communautés.
Pour Cleber Cézar Buzatto, secrétaire exécutif du Cimi, «les violations des droits et les violences sont directement liées à la politique de l’État brésilien à l’égard des peuples originaires et vont à l’encontre des droits constitutionnels.» Le responsable dénonce également la tentative d’imposer la théorie de l’unicité absolue de l’État. «Michel Temer porte l’idéologie «Un seul pays pour un seul peuple» qui ne cesse d’être rabâchée et dont les relents commence à s’échapper des fenêtres du pouvoir exécutif brésilien.»
Dernier point soulevé par le rapport du Cimi, la difficulté d’obtenir des données pour quantifier les violences et donc l’impossibilité de faire une analyse plus approfondie de la situation. «Le Secrétariat spécial de la santé pour les Indigènes (Sesai) par exemple ne donne pas de détail sur l’identité des agresseurs des indigènes, dans le cadre des soins qui leur sont apportés.» Le Cimi avance ainsi que l’organisme ne lui a fourni que les deux tiers (64%) des informations sollicitées à plusieurs reprises, conformément à la loi d’accès à l’information brésilienne. (cath.ch/jcg/mp)
Maurice Page
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