La démographie de Tel Kaif (la colline de pierres, en syriaque), à une quinzaine de kilomètres au nord de Mossoul, a désormais beaucoup changé. Les chrétiens chassés par Daech, en août 2014, ne reviennent pas dans la ville libérée, craignant pour leur sécurité, car ceux qui viennent s’y installer appartiennent à des familles de jihadistes morts au combat.
Présent à Rome le 28 septembre 2017 pour la conférence sur les chrétiens irakiens de la Plaine de Ninive «Retour aux racines» organisée par Aide à l’Eglise en Détresse (AED-ACN), le chef de l’Eglise chaldéenne a confié à cath.ch qu’il n’y avait déjà plus qu’un millier de familles à Tel Kaif avant la prise de la ville par les jihadistes en août 2014.
«Ces 40 dernières années, beaucoup de musulmans s’étaient déjà installés dans la ville tandis que les chrétiens émigraient à l’étranger ou partaient pour Mossoul ou Bagdad… Les chrétiens ont peur de revenir chez eux, ils ont perdu confiance en leurs voisins».
Stephen Rasche, conseiller juridique du Comité de Reconstruction de la Plaine de Ninive (CRN) et directeur des programmes de réinstallation des déplacés internes pour l’archidiocèse catholique chaldéen d’Erbil, participait aux travaux de la conférence «Retour aux racines» à Rome. Il a regretté que l’ONU soit, dans cette région, «déconnectée» des réalités sur le terrain. Et de citer une fiche d’information du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) de juillet 2017 sur l’appui aux zones de peuplement des minorités en Irak. Le PNUD mentionne la ville de Tel Kaif comme un lieu où «les travaux de stabilisation s’accélèrent».
Cette agence de l’ONU prétend aider des chrétiens dans une zone de la Plaine de Ninive où ils ont subi une épuration ethnique totale de la part de Daech, souligne-t-il. «Ils ne sont plus là… La population musulmane sunnite de Tel Kaif est largement majoritaire et les chrétiens ont très peur de retourner dans leur ville en raison de ce qui s’est passé».
Pour aggraver les choses, déclare Stephen Rasche, Tel Kaif a été officiellement reconnue comme un «refuge sûr pour les membres des familles des combattants de Daech tués au combat. Les femmes et les enfants des jihadistes qui ont été complètement endoctrinés dans la mentalité de Daech sont maintenant dans cette ville ethniquement purifiée de ses chrétiens!»
Le conseiller juridique estime qu’un traitement respectueux des chrétiens et des autres minorités, tant par le gouvernement de Bagdad que par le gouvernement du Kurdistan d’Irak, doit être clairement établi par la communauté internationale en tant que ligne rouge à ne pas franchir. Il déplore le manque de travail effectif fait par les Nations Unies pour aider les minorités religieuses, en particulier les chrétiens, à se réinstaller en sécurité dans la Plaine de Ninive. (cath.ch/be)
Jacques Berset
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